Principales condamnations en France entre l'Erika et le Prestige
Condamnations entre 1999 et 2002.
Après la pollution de l'Erika, les déversements illicites d'hydrocarbures au large des côtes françaises ont fait l'objet d'une attention particulière du législateur. La loi Le Bris du 4 mai 2001, en renforçant les peines applicables en cas de rejets polluants des navires, a rappelé que la répression faisait partie des moyens de lutte à privilégier.
Cette volonté du législateur est passée peu à peu dans la pratique avec un accroissement notable du montant des condamnations à partir du début de l'année 2002. Certes les faits jugés sont pour la plupart antérieurs à la loi, mais l'accroissement des amendes est sensible. Le Hyundai Continental a été le premier navire condamné à la peine maximale possible soit 150 000 € d'amende en mars 2002. Les nouveaux seuils de 600 000 € puis de 1 million d'€ ne donneront lieu à des condamnations encore plus sévères qu'après le naufrage du Prestige.
Malgré l'impossibilité de suivre tous les jugements prononcés, une évaluation à partir de ceux que nous avons pu documenter montre en 2002 une importante augmentation des condamnations prononcées.
1999 : Le Far East Victory
Les faits
Le Far East Victory (Navire cargo, pavillon de Hong-Kong) est contrôlé en train de dégazer au large du Touquet (Manche est) le 22 janvier 1999, avec dans son sillage une nappe de 13 milles de long sur 900 mètres de large.
Les motifs et modes de preuve retenus
Le procès verbal signale une pollution légère filmée par l'hélicoptère dans le sillage du navire. Une équipe d'évaluation est envoyée à bord pour interroger le capitaine qui nie les faits. Des clichés sont pris par l'hélicoptère des douanes.
Le jugement
Le capitaine sri lankais ainsi que l'armateur, la compagnie Crown Son Shipping, sont condamnés à 600 000 F d'amende le 17 janvier 2001 par le tribunal de Paris. Il s'agissait à l'époque de l'amende la plus importante jamais infligée pour ce type d'infraction. Greenpeace, partie civile, obtient 1 franc de dommages et intérêts et la publication du jugement dans le journal maritime Lloyd's list.
2000 : L'Iron Gate
Les faits
L'Iron Gate (Navire minéralier, pavillon panaméen) est surpris en train de dégazer au large du Morbihan le 25 avril 2000, avec dans son sillage une nappe de 21 milles de long sur 400 mètres de large.
Le procès verbal signale une pollution cessant après contact radio. Cinq photos ont été prises. Quarante-huit heures plus tard, lors de son passage dans les eaux territoriales françaises, des inspecteurs sont montés à bord et ont constaté le refus du capitaine de les laisser effectuer un prélèvement ainsi que le faible niveau des eaux mazoutées (4 m³ au lieu des 25 m³ attendus pour le voyage Inde-Europe). Par ailleurs, le capitaine avait signalé une mauvaise position à l'avion des douanes et fait repeindre la salle des machines.
Le jugement
Le capitaine roumain est condamné à 300 000 F d'amende le 21 février 2001 par le tribunal de Paris.
2001 : Le Stonegate
Les faits
Le Stonegate (Vraquier, pavillon panaméen) est surpris en train de vidanger des eaux chargées d'hydrocarbures au large du Finistère sud, le 25 février 2001.
Le jugement
Le capitaine bulgare est condamné à 75 000 € d'amende le 28 janvier 2002 par le tribunal de Paris. Le juge fait usage de l'article L218-24 en décidant que les deux armateurs du navire doivent contribuer largement (80%) au règlement de l'amende. Rappelons que l'article cité autorise le tribunal à tenir compte « des circonstances de fait et notamment des conditions de travail de l'intéressé ».
2000 : Le Kestutis
Les faits
Le Kestutis (Cargo, pavillon lithuanien) est surpris en train de dégazer au large de la pointe du Raz le 21 février 2000, avec dans son sillage une nappe de 8 kilomètres de long sur 100 mètres de large.
Les motifs et modes de preuve retenus
Le procès verbal signale une pollution cessant après contact radio. Le tribunal juge peu convaincantes les explications fournies par le capitaine et ne retient pas l'absence de prélèvement d'échantillon allégué par la défense pour s'en tenir aux « faits formellement constatés par des agents missionnés à cet effet ».
Le jugement
Le capitaine russe est condamné à 90 000 € d'amende dont 80 000 mis à la charge de l'armateur le 21 juin 2002 par le tribunal de Paris.
2000 : Le Great Century
Les faits
Le Great Century (Céréalier, pavillon chinois) est surpris en train de dégazer au large des côtes bretonnes le 24 novembre 2000, avec dans son sillage une nappe de 30 kilomètres de long sur 100 mètres de large.
Les motifs et modes de preuve retenus
Le procès verbal signale une pollution ne cessant pas après le contact radio. Des photographies sont prises. Le juge précise dans ses attendus "que la réalité du rejet d'hydrocarbures est établie par les constatations de l'équipage de l'avion des Douanes, relatées dans un procès verbal, et par les photographies jointes au dossier".
Le jugement
Le capitaine bangladais est condamné à 100 000 € d'amende dont 80 000 à la charge de l'armateur le 19 mars 2001 par le tribunal de Paris. Une association de protection de l'environnement, partie civile, reçoit 1 500 € et la publication du jugement est ordonnée par le tribunal dans 2 journaux.
2000 : Le Hyundai Continental
Les faits
Le Hyundai Continental (Porte-conteneurs, pavillon de Hong Kong) est surpris en train de dégazer au large des côtes de la Charente Maritime le 23 mai 2000, avec dans son sillage une nappe de 17 milles de long sur 100 mètres de large.
Les motifs et modes de preuve retenus
Le procès verbal signale une nappe de sillage caractéristique des hydrocarbures et le fait que c'était le seul navire sur zone.
Le jugement
Le capitaine coréen est condamné à 150 000 € d'amende dont 120 000 € à la charge de l'armateur le 12 mars 2002 par le tribunal de Paris. Une association de protection de l'environnement, partie civile, reçoit 1 500 € et la publication du jugement est ordonnée par le tribunal dans 2 journaux.
2002 : Le Nada III
Les faits
Le Nada III (Cargo, pavillon de St Vincent et Grenade) est repéré par un avion des douanes le 4 mars 2002 au large de l'île Vierge avec une traînée d'hydrocarbures de 62 kilomètres de long sur 150 mètres de large.
Les motifs et modes de preuve retenus
Vu les constatations faites par le service des douanes, le Nada III fait l'objet d'une immobilisation dans le port de Calais. Il est soumis à un cautionnement de 46 000 €. Il fait également l'objet d'une inspection en mer au large de Dunkerque. Cette inspection permet de constater l'absence de 8 tonnes de déchets d'hydrocarbures par rapport au cahier d'enregistrement.
Le jugement
Le capitaine égyptien est condamné à 75 000 € d'amende le 2 juillet 2002 par le tribunal de Brest. Un syndicat mixte de communes associées pour la protection du littoral, partie civile, reçoit 9 000 Euros.
Commentaires sur les années 2000 à 2002
Le recours à des inspections à bord ou au port d’arrivée est devenu bien plus fréquent après l’Erika. Il fournit des éléments de preuves complémentaires, comme le fait que le séparateur d’eaux mazouteuses soit hors service dans le cas du New Zealand Pacific, jugé le 2 avril 2000. On notera que, dans le cas de l'Indira Ghandi, jugé en 2002, le livre de bord n’a pas été considéré comme « une preuve par écrit pouvant contredire les constatations du procès verbal ».
Toutefois, malgré des investissements conséquents dans de nouvelles méthodes de détection radar et infra-rouge, il convient de noter que ceux-ci ne sont pas retenus par les juges avant 2002 (à l’exception notable d’une thermographie dans l’affaire du Diane Green en 1998). Il est à souhaiter que les caméras à très bas niveau de lumière et d'autres moyens de détection soient également reconnus si l’on envisage des poursuites contre les déversements nocturnes.
Enfin, si les visites à bord sont plus fréquentes, l’appel à des visites dans d’autres ports européens est rare tout comme la mise sous caution du chargement (cas du Nada III jugé en 2002 par le TGI de Brest).
Le niveau des condamnations s’est accru après l’Erika pour atteindre le maximum possible de 150 000 € avant que la loi ne multiplie ce montant par quatre. Il n’y a pas de jugement ayant dépassé les 150 000 € sur cette période bien que la loi permette d’aller jusqu'à 600 000 €. On notera toutefois que les armateurs sont associés au paiement à concurrence de 50 et 90% du montant de l'amende et que l’intervention des associations comme parties plaignantes lors des jugements conduit à une plus grande publicité autour de ceux-ci.