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Constatation des infractions

Détection aérienne visuelle, télédétection aérienne, les outils de demain

Contexte

Pour qu'une infraction à la réglementation sur les déversements d'hydrocarbures en mer donne lieu à des poursuites, il faut que le fautif soit clairement identifié. Les poursuites peuvent être engagées par l'Etat côtier si l'infraction se produit dans ses eaux territoriales ou dans sa zone économique exclusive, voire dans sa zone de protection écologique. Pour les infractions dans les eaux internationales, les poursuites relèvent de l'Etat du pavillon, à qui l'Etat riverain transmettra les pièces du dossier. Les infractions seront alors traitées par la justice de l’Etat du pavillon, selon ses pratiques et sa sensibilité à ce type d'affaire.
 
 Pour établir la responsabilité d'un navire suspecté de pollution, il faut prouver que le rejet polluant provient bien de lui et rassembler un maximum d’éléments de preuve de la nature et de l’ampleur de la pollution.
 
En France, la constatation des infractions implique quatre administrations de l’Etat qui interviennent en mer : les Affaires maritimes, les Douanes, la Gendarmerie et la Marine Nationale. Les pollutions sont constatées sous forme de rapports d’observation (Polrep), généralement à l’occasion de patrouilles maritimes effectuées par les moyens aériens. Ces rapports sont transmis aux Centres Régionaux Opérationnels de Surveillance et de Sauvetage (CROSS), représentants opérationnels des Préfets Maritimes.
Les CROSS centralisent les informations, rendent compte de l’évolution des pollutions signalées en mer, et coordonnent les premières interventions en matière de recherche, d’identification du navire et de constatation de l’infraction. Ils constituent les dossiers d’infraction et les transmettent au procureur concerné.

 

Moyens de détection

Détection aérienne visuelle

L’observation aérienne est le principal outil de recherche des pollutions opérationnelles par les navires. Elle permet de repérer la pollution, de la localiser,  de la décrire précisément et le cas échéant d’identifier le pollueur. L’établissement d’un procès verbal des observations permettra d’engager une poursuite.
L’observation visuelle de la nappe dans le sillage du navire par voie aérienne, assortie de photographies en couleur, constitue le premier élément permettant d’établir l’existence d’un rejet polluant. En pratique, une série de photos sera prise montrant le navire et son sillage pollué, l’étendue du sillage (sans discontinuité), le nom du navire et les alentours. Le Cedre assure une formation dans ce domaine des navigants des patrouilles maritimes. Il a produit un guide de l’observation aérienne.
Dans son rapport, l’équipage de l’avion utilisera un code d’apparence visant à exprimer les quantités d’hydrocarbures déversées à l’aide des constatations visuelles de l’observation aérienne, code basé sur des études scientifiques menées sous l’égide de l’Accord de Bonn pour la protection de la mer du Nord.

Code d'apparence

Épaisseur de la nappe (en µm)

Quantités (litre/km²)

Reflet (gris argenté)

0,04 - 0,3

40 à 300

Arc-en-ciel

0,3 - 5,0

300 à 5 000

Métallique

5 - 50

5 000 à 50 000

Vraie couleur discontinue

50 - 200

50 000 à 200 000

Vraie couleur continue

> 200

plus de 200 000

Télédétection aérienne

La télédétection représente un moyen d’observation complémentaire à l’œil humain. Les douanes disposent de deux avions spécialisés (Polmar II et III) équipés de matériel spécifique : radar à antenne latérale (SLAR), scanner ultraviolet et infrarouge, radiomètre micro-ondes, caméra à bas niveau de lumière. La caméra à bas niveau de lumière permet des identifications nocturnes de navires. Le radar, le scanner et le radiomètre micro-ondes permettent de caractériser le polluant.

Le radar latéral est un senseur actif. Il détecte toutes les anomalies à la surface de l’eau. L’image reçue sur l’écran par le radar est en réalité déjà derrière l’avion. Il faut donc analyser l’image et faire demi-tour pour procéder à l’observation de ce qui semble être une pollution, du navire et de son sillage. L'équipement radar dépend des missions de l'avion où il est installé. Le SLAR (Side Looking Airborne Radar) est plus spécialisé dans la détection en mer avec sa version RAR (Real Aperture Radar), il permet de détecter les nappes en fonction des différences de réflexion de la surface de la mer. Les radars de recherche et de surveillance sont moins performants mais cela est compensé en partie par un signal reçu de plus forte intensité.
 L’infrarouge, l’ultraviolet et le micro-ondes sont des senseurs passifs. Ils n’envoient pas d’ondes mais les reçoivent. L’infrarouge fait apparaître les différences de rayonnement à la surface de l’eau qui correspondent à des différences de température de l’eau. L’ultra-violet fait apparaître la composante ultraviolette des rayons du soleil reflétée par les hydrocarbures. Le capteur ultraviolet ne fonctionne que de jour et permet de relever les limites des nappes alors que le capteur infrarouge permet en plus de repérer l'épaisseur des nappes nuit et jour car l'émission des ondes dépend de l'épaisseur de la nappe. Le micro-ondes fait apparaître la quantification du volume du pétrole par un capteur des différences de rayonnement sur plusieurs fréquences en fonction de l’épaisseur.
 Un avion de télédétection fera ainsi les opérations suivantes :

  • détection SLAR en altitude,
  • demi-tour et descente vers le bateau pour réaliser des photos ou vidéos avant qu’il change de direction ou interrompe sa pollution,
  • remontée et passe en infra-rouge,
  • échange radio avec le navire, pour tenter de faire reconnaître le déversement.

 En pratique, la conviction du juge sera emportée par l'ensemble procès-verbal plus photos plus déclaration de l'agent au tribunal. Un procès verbal de contrôle des installations par un inspecteur habilité apportera au dossier la touche finale s'il signale une modification hors normes des installations de limitation des rejets d'hydrocarbures.

Les outils de demain

Les satellites font partie des nouveaux moyens de détection en cours d'évaluation, en particulier les satellites équipés d’un radar à ouverture synthétique (SAR). Ils permettent de détecter la présence d’hydrocarbures en surface de la mer. Mais ils ne sont pas en mesure d'identifier le navire source d’un déversement, ce qui empêche leur utilisation comme moyen de preuve sans recoupement avec d'autres informations.
Ils peuvent cependant dès à présent avoir un intérêt majeur pour collecter des éléments au niveau de mers entières. Ils peuvent également permettre de suivre les pollutions en provenance de sources fixes (plates-formes pétrolières, ports, ...) ou touchant des zones identifiées comme sensibles.
L’Agence européenne de sécurité maritime a ouvert en 2007 un service de diffusion d’images satellitaires en situation d’urgence, Cleanseanet.
La mise en place prochaine d'un système d’échange de données totalement automatisé, l’AIS (Système international d’identification automatique), va entraîner des avantages tant pour ses utilisateurs à bord des navires que pour les entités de surveillance maritime. Ce système fournit en continu des informations telles que l’identification, la position ou la route d’un navire. La combinaison de l’AIS avec les images satellitaires va permettre de démontrer qu’un bateau donné est le responsable d’un rejet illicite.
 Le marquage du pétrole et/ou du fuel de propulsion à l'aide de procédés chimiques ou biochimiques a également été envisagé et proposé en 1998 à l'OMI par le Royaume-Uni, suite à des essais concluants. Il permettrait d'identifier la provenance de la cargaison. Mais sa mise en œuvre semble difficile à réaliser en raison du nombre de cargaisons et soutes transportées.
 
Des bouées de prélèvement largables depuis un aéronef ont été développées en Suède. Lancées d’un avion sur une nappe, elles recueillent des échantillons de polluant qui seront analysés. A ce jour, seule une affaire portée en justice a vu les échantillons prélevés par la bouée jouer un rôle décisif pour l’obtention d’un verdict de culpabilité. Au Danemark, des kits témoins rapides sont utilisés pour analyser la nature du polluant.

Dernière modification le 01/02/2007
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