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La dérive du fioul en mer

Le suivi des nappes

Le remorquage du Prestige vers le large et son naufrage ont reproduit à peu de chose près un scénario qui avait été simulé par Météo France et le Cedre au colloque "Pour des mers plus sûres et plus propres" de mars 2002 : le naufrage de l'Erika devant la pointe de Galice s'il avait poursuivi sa route au lieu de se diriger vers Nantes-Saint Nazaire. Ce scénario générait une longue dérive d'une partie du fioul dans le golfe de Gascogne.
 Il fallait donc suivre la dérive du fioul du Prestige et anticiper ses déplacements, pour guider la récupération en mer et informer dès les premières menaces d'arrivages sur le littoral les autorités responsables de la lutte à terre. La lutte en mer et l'information des autorités terrestres étaient à la charge de Sasemar en Espagne, du préfet maritime de l'Atlantique en France et de la Marine nationale au Portugal.
 
 L'outil de base du suivi des nappes en mer est l'observation aérienne, par avions au large, par hélicoptères devant la côte. Sasemar et la Préfecture Maritime de l'Atlantique ont à cet effet coordonné le travail d'une flotte aérienne qui a totalisé jusqu'à 20 avions et hélicoptères le même jour, informant les navires engagés dans la lutte en mer et fournissant la matière nécessaire aux recalages quotidiens des prévisions de dérive. Des avions et hélicoptères des services d'état espagnols, français et portugais, des avions spécialisés britanniques et italiens, des hélicoptères des autorités provinciales espagnoles et un avion privé, ont participé à ces travaux. Face à une pollution par un produit peu "huileux" comme le fioul de l'Erika, formant des boulettes et galettes qui se sont vite dispersées sur des surfaces considérables, ce travail d'observation est difficile et aléatoire, surtout par mauvais temps. Il est néanmoins indispensable.

L'usage des satellites

Pourquoi mobiliser des avions et des hélicoptères quand les satellites voient tout au presque, nous demande-t-on souvent. Certaines images satellitales, en particulier les images radar, parviennent à détecter l'effet de "nappe d'huile" d'un déversement d'hydrocarbures en mer. Malheureusement, les délais de traitement des images ne permettent pas encore une information en temps réel et l'interprétation de ce qu'elles font apparaître n'est pas évidente. Elles ont par contre l'avantage de montrer de très grandes surfaces, permettant une confrontation intéressant pour les modélisateurs.
 Pour cette raison, la Direction Générale Environnement de la Commission européenne a acquis et fait traiter en urgence plusieurs dizaines d'images pendant les opérations de lutte en mer. Certaines ont été utilisées par les modélisateurs pour déclencher des vols de reconnaissance dans des zones non explorées. D'autres, comme celle présenté ci-dessous, ont servis de fond pour illustrer certaines périodes des opérations, comme ici le remorquage du navire. Aucune, malheureusement, n'a pu servir à un guidage réel des navires récupérateurs.

L'anticipation de la dérive

Pour anticiper la dérive afin d'organiser les mouvements de la flotte de lutte et d'informer les autorités terrestres, l'Espagne, le Portugal et la France ont chacun mis en place une cellule de prévision. En France, un groupe de travail a été mis en œuvre dès les premiers jours, intégrant les spécialistes de la dérive de Météo France, de la Marine nationale et du Cedre, pour apprécier et surveiller la dérive des nappes susceptibles de pénétrer au sud du golfe de Gascogne.
Rapidement élargi en comité technique regroupant des experts de Météo France, du SHOM, d'IFREMER, de la Marine nationale et animé par le Cedre, à l'initiative du Secrétariat général à la mer, le groupe a été chargé de fournir quotidiennement au Préfet maritime de l'Atlantique des éléments cohérents et pertinents sur la dérive des nappes. En liaison étroite avec les observateurs et modélisateurs portugais et espagnols, ce comité a produit tous les soirs une carte des observations du jour et des prévisions à trois jours, publiée ici le lendemain, jusqu'au 23 mars. Depuis cette date, les prévisions sont devenues occasionnelles.

L'usage de bouées dérivantes

Accès aux cartes des mouvements des bouées dérivantes

En complément des observations aériennes et des images satellitales, des bouées dérivantes droguées (bouées immergées à 15, 50 m ou plus) appartenant au Service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM), suivies par satellite, ont été utilisées pour mesurer la réalité du courant saisonnier dit de "Navidad" qui devait selon certains entraîner les nappes comme un véritable fleuve. Elles ont montré que ce courant n'était pas formé et que la dérive des nappes était essentiellement dominée par le vent.

Le Cedre a pour sa part mis à disposition de la Marine nationale, de SASEMAR et de la fondation océanographique basque AZTI des bouées dérivantes de surface, testées pour leur dérive pratiquement identique à celle de nappes d'hydrocarbures, dont quelques unes avaient été utilisées en décembre 1999 dans la pollution de l'Erika.
 Des bouées de ce type ont été placées par l'institut océanographique portugais puis par Sasemar au-dessus de l'épave du Prestige après le 23 février. Aucune n'est encore entrée dans le golfe de Gascogne. D'autres ont été lâchées dans le front de nappes entrées dans le golfe de Gascogne par la Marine nationale et l'institut basque AZTI. L'une d'elles, lâchée début février au large du bassin d'Arcachon est remontée jusqu'à la pointe de Bretagne. L'analyse du mouvement de ces bouées est disponible dans le dossier disponible ici.

L'interrogation

L'ensemble des données constituées par les observations, les prévisions, les images satellite et les bouées dérivantes fournit des informations qui facilitent l'organisation de la lutte en mer et à terre. Aucun de ces outils ne permet malheureusement de mesurer le volume de fioul encore en mer aujourd'hui et donc la taille de l'ennemi contre lequel il faut encore lutter. Les estimations de ramassage en mer et à terre fournissent un indice de ce qui a été fait. Mais nul ne sait réellement quel volume l'épave a perdu et cette question restera sans réponse précise tant que des cuves n'auront pas été sondées, un travail sans exemple à plus de 3500 m de profondeur.
 Nous avons malgré tout tenté d'apporter quelques éléments à l'interrogation dans "Les boulettes de fioul qui circulent en mer et arrivent sur le littoral".

 

Sources des informations de ce dossier : Sasemar, Marine nationale française, AEM Brest, Météo France, Ifremer, EPSHOM, Douanes Françaises

Dernière modification le 22/09/2003
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