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Haven

Nom
Haven
Date de l'accident
11/04/1991
Lieu
Italie
Zone du naufrage
Au large de Gènes
Zone du déversement
Zone littorale
Cause de l'accident
Explosion
Quantité transportée
144 000 tonnes
Nature polluant
Pétrole brut
Quantité déversée
144 000 tonnes
Type de navire / structure
Pétrolier
Date de construction
1973
Longueur
334 m
Largeur
51 m
Pavillon
Chypriote

L'accident

Le 11 avril, le pétrolier chypriote Haven, mouillé au large de Gènes, chargé de 144 000 tonnes de pétrole brut, prend feu, explose et se brise en trois parties. L'une coule sur place, les autres après dérive vers le large au cours du remorquage. Malgré d'importantes opérations de lutte en mer, des nappes polluantes dérivent vers l'ouest, venant toucher de nombreux sites de la côte Ligure, puis atteigne la côte d'Azur française jusqu'à Hyères. Les autorités italiennes décident de brûler la plus grande partie du pétrole en mer, tout en maintenant une surveillance importante des effets sur l’environnement.

La lutte

Des actions préliminaires, en vue de protéger l’environnement, sont réalisées. Le 14 avril, la nappe est estimée à 12 000 m de long sur 4 000 de large. Sa dérive est faible grâce à l’absence de vents et d'une mer calme. L’inspection de l’épave montre que le pompage de la cargaison est nécessaire en raison de l’état de la coque. Des barrages sont mis en place rapidement pour protéger les plages contre l’arrivée de nappes compactes.

Le 15 avril, le Plan Polmar est mis en place en France. L’étude de la dynamique des nappes permet de montrer une évaporation importante, mais aussi formation de galettes de goudron. Un réseau de surveillance est mis en place avec des analyses de la qualité de l’air, de l’eau de mer, des sédiments, des plages, des côtes, de la faune et de la flore marine.

Commencent ensuite des opérations de récupérations en mer et de nettoyage mécaniques des côtes. Près de 200 m³ de polluant sont collectés en mer. Au total, près de 110 km de côtes, rochers et plages sont nettoyés.

L'impact

Les conséquences écologiques immédiates observées sont l’engluement d’une centaine d’oiseaux et la détérioration de la vie marine dans les couches de surface et sur le rivage. A plus long terme, un suivi est indispensable pour ne pas négliger de potentielles atteintes plus profondes de la vie marine qui ne se manifesteraient que plus tardivement.

L’impact sur la faune est notable. On estime une diminution de 43% des populations de poissons dans certaines zones de pêche.

Demande d'indemnisation des dommages écologiques

La loi nationale de l’environnement en date de 1982 prévoit la possibilité d’une indemnisation des dommages au milieu marin, tant au titre de leurs éléments quantifiables que de leurs éléments non quantifiables. En automne 1991, se basant sur cette loi, le gouvernement italien présente au FIPOL une demande d’indemnisation de 100 milliards de lires au titre des dommages au milieu marin. Cette demande est à titre provisoire, l’étude des dommages écologiques n’étant pas terminée. Les documents fournis ne précisent ni les types de dommages pris en compte, ni la méthode d’évaluation utilisée.

La région de Ligurie demande alors, sans fournir plus de précisions, que ce montant soit porté à 200 milliards de lires avec répartition de l’indemnisation entre les diverses entités territoriales dont l’environnement était affecté. Deux provinces et 14 communes intègrent en outre dans leurs réclamations des demandes de dommages environnementaux non quantifiées.

L’ensemble des 1350 demandes italiennes au titre des opérations de lutte, des dommages aux biens et du manque à gagner de l’époque se monte à 310 milliards de lires après déduction des doublons, dont 261 milliards par le gouvernement.

Le comité exécutif du FIPOL rejette en décembre 1991 l’ensemble des demandes de dommages environnementaux, comme sortant du champ de la convention sur la responsabilité civile (CLC 69) et de la convention portant création du FIPOL (FIPOL 71). Sa position se base sur l’interprétation de ces conventions dans une résolution de l’assemblée du FIPOL de 1980 (résolution n°3). La délégation italienne conteste cette analyse, considérant que les conventions n’excluent pas explicitement les dommages à l’environnement et que l’indemnisation doit être régie principalement par la loi italienne sur l’environnement.

En parallèle aux discussions avec le FIPOL, le gouvernement italien se constitue partie civile d’une procédure engagée dès l’été 1991 devant le tribunal de Gênes par l’ensemble des demandeurs italiens, contre le FIPOL, l’armateur et son assureur. Pendant de longues années, le dossier de la réclamation environnementale, comme les autres réclamations, fait des navettes permanentes entre le juridique et l’amiable, au fil des décisions successives de la justice italienne.

Ayant examiné les pièces, le juge demande fin 1991 aux demandeurs de quantifier leurs demandes, mettant le dossier en situation d’attente jusqu’à réception de pièces adéquates. Le gouvernement italien quantifie sa réclamation environnementale en juin 1994. Portée à 883 milliards de lires, elle devient la composante majoritaire de son ensemble de réclamations, d’autant plus qu’elle intègre plusieurs éléments non chiffrés, laissés à l’appréciation du juge (l’érosion des plages et les dommages irréparables à la mer et à l’atmosphère). Dans la partie chiffrée, les principales composantes sont les dommages réparés par la reconstitution biologique naturelle des ressources (591 milliards de lires) et la remise en état de 43 hectares d’herbiers sous-marin (266 milliards de lires).

En juin 1995, devant la complexité du dossier, le comité exécutif du FIPOL autorise la remise au gouvernement italien d’une offre de règlement global de 137,6 milliards de lires, intégrant 25 milliards de versement « gracieux » de l’armateur et de son assureur, c’est-à-dire non soumis à l’obligation de présenter en face une justification de dommages économiques quantifiables.

Position du juge et accord amiable

En avril 1996, le juge déclare que les conventions CLC 69 et FIPOL 71 n’excluent pas l’indemnisation des dommages à l’environnement et que seul l’État italien est habilité à se faire indemniser au titre des dommages à l’environnement. Il considère que les dommages à l’environnement ne peuvent pas être quantifiés économiquement et les évalue forfaitairement au tiers des coûts de nettoyage, soit à 40 milliards de lires.

Le FIPOL, l’armateur et son assureur font opposition à cette position et maintiennent leur offre de règlement forfaitaire global. En avril 1998, le gouvernement italien accepte l’offre sous condition d’une loi spécifique, dite « loi Haven », qui est promulguée en juillet 1998 et confirmée par le Conseil d’Etat en novembre. Elle permet la signature, en mars 1999, d’un accord entre le gouvernement italien, le propriétaire du navire, son assureur et le FIPOL, mettant fin à l’ensemble de la procédure. Aux termes de cet accord, après déduction de sommes déjà versées, le gouvernement italien reçoit pour solde de tout compte 117,6 milliards de lires, dont 70 milliards par le FIPOL et 47,6 par l’assureur du navire.

Usage de l’indemnisation et leçons

Contrairement à l’accord, la loi « Haven » précise une destination clairement environnementale d’une partie de l’enveloppe forfaitaire versée au titre de l’accord : « La somme restante est destinée aussi à des interventions de restauration environnementale des espaces maritimes et côtiers lourdement frappés par les conséquences négatives du sinistre. Les interventions à financer avec cette somme seront définies sur la base d’un programme proposé par le ministère de l’environnement, auquel participeront la région de Ligurie, les provinces et communes littorales d’Arenzano et d’Albisola Marina ».

Une convention tripartite est signée en juillet 2001 entre le ministère de l’environnement, la région de Ligurie et l’institut national de recherches marines (ICRAM). Elle transfère sur les sommes versées au titre de l’accord 1,6 milliards de lires à l’ICRAM pour concevoir le programme d’interventions et 32 milliards de lires à la région de Ligurie pour le mettre en œuvre. Ce programme, conçu avec l’avis d’un comité d’experts (dont le directeur du Cedre), comprend la quantification du pétrole restant dans l’épave et son enlèvement, la cartographie des restes de pétrole partiellement brûlés subsistant sur le fond et la restauration de ces fonds, l’étude de l’état des peuplements marins et de l’effet des opérations précédentes.

Fin 2003, les appel d’offres de quantification du pétrole dans l’épave et de suivi écologique de l’épave sont émis et les marchés attribués. L’ensemble du programme devrait être achevé fin 2006.

L’accident du Haven a donc permis de soulever des questions de fond sur l’indemnisation des dommages écologiques dans le système du FIPOL, grâce à l’existence d’une disposition prévoyant l’indemnisation des dommages écologiques dans la législation italienne. La position du gouvernement italien a été bien soutenue par le juge au plan du principe, mais pas au plan de la quantification. La solution négociée apporte une solution au cas en cause, sans répondre au problème soulevé dans le cadre du système du FIPOL, qui est resté sur ses positions initiales. La responsabilité juridique n’a pas été reconnue.

Cet exemple ne fournit donc pas de précédent utile pour apporter des évolutions au système du FIPOL. Mais il montre l’intérêt d’une législation nationale intégrant l’indemnisation du dommage environnemental et d’une décision juridique nationale. La législation a servi de base à la demande du gouvernement italien et à l’attribution d’une partie de l’enveloppe amiable à des actions de restauration environnementale. La prise de position du juge sur l’interprétation des conventions CLC et FIPOL a pesé dans la négociation amiable avec le FIPOL et l’assureur du navire.
L’exemple est par ailleurs intéressant quant à l’attribution des fonds : à un institut scientifique national pour la conception du programme d’action, aux autorités régionales pour la réalisation de ce programme.

Dernière modification le 15/06/2011

Voir aussi

Bulletin d'information du Cedre, N°21 : "Le traitement des épaves potentiellement polluantes"

Bulletin d'information du Cedre, N°10 : "Les rejets illicites d'hydrocarbures par les navires : preuves et conséquences en cas de pollution"

Bulletin d'information du Cedre, N°5 : "Évaluation des techniques de nettoyage des plages"

Lettre technique du Cedre, Mer et Littoral, Année 2008, n°22

Journée d'information du Cedre 2003, "Un programme de restauration environnementale 12 ans après : le Haven". Ezio Amato, ICRAM, Italie.

Journée d'information du Cedre 2002, "Impact et réparation d’une grande marée noire en Méditerranée : le cas du pétrolier Haven dans le golfe de Gênes". Ezio Amato, ICRAM, Italie.

Liens externes

Poster de Météo France, Mothy, Poster présenté à "En route to GODAE", 13-15 Juin 2002, Biarritz, France

Reportage télévisé sur le Haven, Archives en ligne de l'INA

Fiche accident de la NOAA (en anglais)

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