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Rivière Kalamazoo

Nom
Rivière Kalamazoo
Date de l'accident
26/07/2010
Lieu
USA
Zone du naufrage
Marshall, Michigan
Zone du déversement
Eaux intérieures
Cause de l'accident
Inconnue
Produit transporté
Bitume dilué
Nature polluant
Bitume dilué
Quantité déversée
3 700 m3
Type de navire / structure
Pipeline
Propriétaire
Enbridge Inc.

L’accident

Le 26 juillet 2010, à environ 130 km en amont du lac Michigan, la rupture de l’oléoduc de la ligne 6B opérée par Enbridge Energy Partners, entraîne le déversement d’environ 3 700 m3 de bitume dans un petit affluent de la rivière Kalamazoo appelé Talmadge Creek. Construit en 1969, l’oléoduc transporte 30 000 m3 par jour. Le produit déversé, le Cold Lake, est un bitume extrêmement lourd et visqueux, extrait des sables bitumeux de l’Alberta (Canada), et dont le transport par oléoduc nécessite l’adjonction d’un fluxant, à raison de 2/3 bitume et 1/3 fluxant. Le produit résultant est mieux connu sous le nom de dilbit ou bitume dilué.
Outre les courants forts qui caractérisent ces cours d’eau, les précipitations importantes au cours des jours précédant l’accident font déborder la rivière, permettant au dilbit de franchir les ouvrages à seuils qui barrent la rivière en plusieurs endroits et de souiller plus de 60 km de cours d’eau. La pollution affecte les berges de l’affluent et de la rivière Kalamazoo, mais également des zones humides écologiquement sensibles ainsi que des zones inondables jouxtant la rivière.
En raison de sa densité et des turbulences, une partie du bitume coule au fond de la rivière et se mélange aux sédiments, ces dépôts s’accumulant dans des zones de calme hydrodynamique, notamment au niveau des chenaux secondaires, à l’amont d’ouvrages, au débouché de la Kalamazoo dans le lac Morrow, parmi d’autres secteurs abrités.

 

  

Mobilisations des moyens

Les premiers jours, l’état du Michigan critique l’Agence fédérale pour la protection de l’environnement (US EPA) qui supervise l’intervention et la société Enbridge pour leur réponse initiale qu’elle juge nettement insuffisante. L’EPA demande une avance de 2 millions US$ au fonds spécifique géré par la garde côtière américaine (USCG) de façon à permettre la montée en puissance des moyens fédéraux humains et matériels (barrages notamment). L’Agence met également la société Enbridge en demeure de prendre les mesures nécessaires pour mener à bien, selon un échéancier précis, les opérations de curage, de dragage, de récupération du polluant, de nettoyage et de restauration des sites. Cette mise en demeure concerne également le suivi de la contamination potentielle de la nappe phréatique à proximité immédiate de la rivière et l’évaluation des impacts environnementaux potentiels à long terme.

  

Protection des populations et des activités agricoles

Afin d’évaluer les risques sanitaires pour la population des zones industrielles et résidentielles, l’EPA met en œuvre un suivi des teneurs atmosphériques en composés organiques volatils (COV) et en benzène. Ce dernier est détecté à des niveaux parfois supérieurs aux seuils tolérés. Sur la base du volontariat, plus de 100 riverains sont relogés. L’utilisation domestique de l’eau des puits est déconseillée dans une bande d’environ 65 m aux abords des cours d’eau, bien qu’aucune contamination de la nappe phréatique ne soit observée. Il en est de même de l’usage agricole des eaux de surface, tant pour l’irrigation que pour l’abreuvage du bétail.
Face aux plaintes des riverains, Enbridge lance, fin juillet 2010 et pour une période d’un an, une proposition de rachat immobilier à la valeur ante accident des maisons situées dans une bande d’environ 60 m le long des berges de la rivière Kalamazoo, définie comme ‘zone rouge’ d’après le département de la santé publique du Comté de Calhoun. Sur près de 200 maisons potentiellement concernées, 90 sont rachetées et une quarantaine sont en cours de négociation en mars 2011.

  

Confinement de la pollution

Enbridge a très rapidement réussi à fermer et obturer la ligne 6B. La réponse est ensuite orientée en priorité sur le contrôle de l’extension de la pollution. Au niveau de la zone du déversement, les travaux de curage et de remise en état du site commencent immédiatement, parallèlement aux opérations de lutte contre la pollution. Tous les sols souillés, autour du point de fuite ainsi que le long d’une section de 3 km du Talmadge Creek, sont excavés puis remplacés par un volume équivalent de terre. La section endommagée du pipe est retirée et remise aux autorités pour enquête.

 

 
Un fossé pourvu d’un barrage busé est creusé en dérivation du Talmadge Creek, de façon à bloquer et récupérer d’éventuels écoulements de polluant. La ligne est rouverte le 27 septembre 2010, sous contrôle de la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration, après les tests d’épreuve d’usage.
Sur la rivière Kalamazoo, le confinement de la pollution flottante est mené prioritairement en 5 zones distribuées entre le site du déversement et le lac Morrow. Les dispositifs de confinement sont constitués d’une série de barrages flottants, renforcés de boudins absorbants, et positionnés en configuration de déviation ou en configuration de protection.

 

 
Au pic des activités de confinement, en août 2010, plus de 50 km de barrages sont installés sur zone. Durant l’hiver, la majorité de ces dispositifs ont dû être retirés à cause des glaces dérivantes qui les rendaient inopérants ou risquaient de les détruire. Sur certains, une porte a pu être aménagée pour pallier cet inconvénient.

 

Récupération du polluant sur l’eau et les berges

La reconnaissance de la pollution, pour la définition du nettoyage des sites impactés, est réalisée par des équipes formées à la procédure SCAT (Shoreline cleanup assessment technique) via des inspections systématiques journalières des cours d’eau, réalisées à pieds ou à partir d’embarcations et le plus souvent renforcées par des reconnaissances aériennes en hélicoptères. La sectorisation opérationnelle de la rivière (par quart de mile) est matérialisée par des piquets en bois, peints de différentes couleurs selon l’état de propreté de la section de rivière.
Le recours à des hydroglisseurs (Airboats, embarcations à fond plat et hélice aérienne) pour les différentes opérations de lutte facilite énormément les opérations sur la rivière, dont l’accès s’avère par endroits très difficile. Afin de faciliter les déplacements sur l’eau, la coupe d’arbres et l’élagage préalable de la végétation sont parfois nécessaires.
La récupération du polluant sur l’eau est menée en 40 points d’accumulation, essentiellement à l’aide de récupérateurs à tambours souvent associés à des camions à vide. Les absorbants conditionnés sont aussi énormément utilisés en mode statique mais aussi en mode dynamique à partir de petites embarcations.
Dans les zones à faibles tirants d’eau, des dispositifs originaux de filtration sont disposés en travers du courant : il s’agit de gabions, aux structures et grillages métalliques, remplis d’écheveaux absorbants et d’étoupe.
Sur les berges, le nettoyage fait appel à diverses techniques : rinçage à l’aide de lances à basse pression (flushing), récupération à l’aide d’absorbants ou par pompage/écrémage et fauche de la végétation.

 

  

Récupération du polluant immergé

Mais la difficulté majeure est le traitement du bitume coulé ou piégé dans le sédiment, qu’il faut en premier lieu repérer. A cet effet, des équipes de géomorphologues fluviaux parviennent à identifier et caractériser 35 zones prioritaires d’accumulation de bitume, en recourant à une évaluation bathymétrique avec suivi GPS, doublée de sondages et de carottages, et complétée lorsque nécessaire d’une évaluation écologique.
Des techniques diverses, aussi bien conventionnelles qu’improvisées, sont mises en œuvre pour récupérer ce bitume déposé sur les fonds. La moins invasive est le brassage immergé, qui affouille les sédiments à l’aide de jets d’eau mélangé avec de l’air afin de remobiliser le bitume et le faire remonter en surface, d’où il est récupéré à l’aide d’absorbants ou par écrémage et pompage. Cette technique est mise en œuvre soit manuellement, à l’aide de longues perches manipulées à bord des hydroglisseurs, soit mécaniquement à l’aide d’une rampe à plusieurs buses montée sur des pelles amphibies pourvues de pompes. Certains sites nécessitent des opérations plus lourdes d’extraction des sédiments, requérant une logistique beaucoup plus importante.

 

Impacts

Pour ce qui concerne l’impact sur la faune, de très nombreux poissons et oiseaux sont trouvés morts ou très fortement englués durant les premiers jours du déversement. Pour ce qui est du moyen et du long terme, une évaluation détaillée est menée par le Fish & Wildlife Service et la NOAA dans le cadre de la procédure NRDA (Natural Resource Damage Assessment).
Le bilan des soins montre que les reptiles, essentiellement des tortues (seule catégorie dont la collecte s’est poursuivie en 2011), ont été les plus impactés, suivis des oiseaux (oies du Canada, hérons...), des mammifères (castors, campagnols, rats musqués…), des amphibiens (crapaud, grenouilles), et enfin d’invertébrés de la mégafaune benthique (s’agissant a priori de bivalves, comptant certaines espèces protégées).

 

Restauration

La restauration des sites fait l’objet d’un plan supervisé par l’état du Michigan qui comprend un suivi de la qualité de l’eau ainsi que des actions de replantation et de restauration des berges et voies d’accès les plus perturbées afin de les stabiliser et d’en réduire l’érosion. Sur les îlots où le sol a été raclé, des rechargements en terre propre provenant d’ilots non souillés sont aussi effectués.
La société Enbrige n’a pas réussi à respecter l’échéance du 31 août 2011 initialement imposée par l’EPA pour la fin des travaux. Plus d’un an après, ceux-ci ne sont pas terminés. Courant septembre 2011, l’EPA a identifié 3 secteurs présentant des dépôts importants de bitume, totalisant une surface d’environ 80 ha et imposant la poursuite des opérations durant l’automne et l’hiver.

 

Bilan des opérations

En octobre 2011, le bilan provisoire est déjà imposant. Les déchets générés par le nettoyage de plus 120 km de berges, en plus de 25 sites d’accumulation identifiés, atteignent des volumes conséquents : plus de 2 900 m3 de pétrole et 22 700 m3 d’eaux polluées ont été récupérés et recyclés. Plus de 86 000m3 de sols et débris pollués divers ont été expédiés vers des sites de traitement appropriés. A cela s’ajoutent les effluents de décontamination des personnels et des moyens de lutte souillés (barrages, récupérateurs, bateaux...).
Au total, plus de 2 500 personnes ont été mobilisées et près de 500 le sont toujours en septembre 2011.

 

Financement de la réponse et de la restauration

Mi-septembre 2011, l’EPA a annoncé un montant de frais de nettoyage engagés de 34 millions US$, que la société Enbridge devra lui rembourser. Enbridge signale sur son site que le montant des frais jusqu’alors déboursés dépasse le seuil de remboursement de sa police d’assurance (650 millions US$) et estime qu’il devrait atteindre les 700 millions (amendes et pénalités non comprises), soit approximativement le double de ce qu’elle avait annoncé un an auparavant.
Cinq ans plus tard, en mai 2015, l’Etat du Michigan a annoncé l’établissement d’un accord financier avec Enbridge Energy, à hauteur de 75 millions de dollars (plus de 67 M€) portant sur un engagement de finalisation du nettoyage et d’actions de compensation suite à la pollution. Cet accord met un terme à l’éventualité de poursuites légales de la part de l’Etat du Michigan contre la firme canadienne. La somme versée sera dédiée à diverses opérations : restauration et extension des zones humides affectées en 2010 (30M$), achèvement du démantèlement du barrage Ceresco Dam afin de restaurer l’ancien lit du fleuve (18M$, création de plusieurs voies d’accès aux berges pour usages récréatifs (10 M$), restauration des divers cours d’eau au sein du bassin hydrographique (5 M$). Enfin, 12 M$ sont prévus pour rembourser l’Etat du Michigan de frais engagés et à venir concernant le suivi et la restauration à terme de la qualité environnementale.
Selon Enbridge, cet accord porte à 1,2 milliard de dollars (1,08 milliard d’euros) le cumul des dépenses déjà engagées par lui, mais aussi des amendes potentiellement encourues au regard de la réglementation fédérale à la suite de ce qui constitue l’un des plus importants déversements accidentels d’hydrocarbures survenus en eaux continentales aux Etats Unis. L’Etat du Michigan a quant à lui exprimé sa satisfaction d’être parvenu à un accord garantissant la mise en œuvre effective d’actions de restauration et de suivi environnemental à long terme dont le financement manquait.

 

Recherches de la cause de l’accident

La cause de la rupture de l’oléoduc n’est pas encore clairement établie. Antérieurement à l’accident, Enbridge aurait été prévenue par les autorités américaines de problèmes d’érosion de l’oléoduc. La société canadienne aurait fait l’objet de nombreuses amendes pour violation de la réglementation sur la sécurité des pipelines. Le Bureau américain de la sécurité des transports enquête sur les archives d’entretien de l’oléoduc.
La nature du produit transporté est aussi suspectée d’être à l’origine de l’accident par certains experts qui se montrent très sceptiques quant à la capacité ou à la compatibilité des pipelines existants à véhiculer ce type de produit. Cette polémique se fait de plus en plus bruissante dans le contexte de deux projets d’envergure qu’Enbridge envisage pour acheminer du dilbit aux USA et au Canada. Les quelques 210 000 m3 d’hydrocarbures que totaliseraient les 610 incidents survenus ces dernières années sur les pipelines d’Enbridge alimentent quelque peu ces critiques.
Le gouvernement américain a annoncé, en août 2011, sa ferme intention de renforcer la législation sur la sécurité des oléoducs notamment par l’augmentation des inspections des pipelines, et par celle du montant des amendes pour violation de législation.

 

Sources

Site de l’Agence fédérale pour la protection de l’environnement
Site de l’État du Michigan
Site de la société Enbridge

Dernière modification le 29/05/2018
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