Enseignements de la pollution du Sea Empress
Tout incident de cette ampleur est bien sûr riche en enseignements et nos collègues britanniques n’ont pas attendu la fin des opérations pour mettre en place des mécanismes de retour d’expérience de cette pollution.
Le flux d’information
Il se doit théoriquement de refléter et de supporter le schéma de commandement. Dans le cas du Sea Empress, la chaîne de commandement fut rapidement mise en place. Il semble cependant que lors des opérations maritimes la remontée des informations et des décisions vers l’État-major des Gardes-Côtes ait fonctionné trop lentement et que, par ailleurs, des interprétations diverses aient été données à des messages clés, tel que “personnes à bord”. Compte tenu des très mauvaises conditions météorologiques, du grand nombre de navires en activité dans la zone et de la grande diversité des organismes publics et privés impliqués dans les P.C. avancés, il est clair que des lenteurs de transmission de ces difficultés de compréhension puissent rapidement engendrer des risques pour la sécurité des personnels et une mauvaise maîtrise de la situation par l’État-major chargé de la coordination générale des hommes et des moyens.
Deux solutions ont été avancées pour résoudre ces problèmes spécifiques. D’une part, mettre en place chaque fois que nécessaire des “officiers de liaison” dans les P.C. avancés, afin qu’ils relaient sans délais et sans incompréhension détails et décisions vers les États-majors. D’autre part, qu’une plus grande rigueur soit observée dans la rédaction des messages, en respectant notamment les standards de l’OMI en la matière.
Les médias
L’importance et la complexité de l’accident du Sea Empress, et le fait que cet accident survienne trois ans après la pollution des Shetland ont sévèrement handicapé les autorités britanniques dans leurs relations avec la presse et les médias.
Quelques messages forts se dégagent de cet accident en matière de gestion de la communication.
- Les plans étaient sous-dimensionnés en terme de personnels réellement spécialisés et de la logistique associée.
- Le centre de presse établi au début de l’accident à Southampton pour soulager de la pression médiatique les équipes sur place fut rapidement boudé par les médias qui mirent en doute la crédibilité d’une information trop éloignée de l’action. Il a donc fallu transférer tout l’équipe de presse à Milford Haven, ce qui a engendré de réelles difficultés d’ordre logistique.
- Il est nécessaire de préparer un plan national d’urgence en matière de relation avec les médias dans lequel tout soit clairement précisé, le rôle de chaque administration concernée et celui des autorités locales. Par ailleurs, ce plan intégrera l’aide attendue de l’industrie pétrolière.
- De nombreuses questions à caractère général sur l’organisation existante, les techniques de lutte, les dispersants et leur emploi furent posées par les médias. Ces interrogations ont été indépendantes de l’accident lui-même. La documentation et les informations préparées à l’occasion du Sea Empress serviront de base à la rédaction de fiches d’informations qui seront mises à jour régulièrement et distribuées aux journalistes à l’occasion d’un futur accident.
- Il y a intérêt, dans la prise de décision à disposer le plus tôt possible d’images (vidéo ou télévision) de terrain. L’expérience montre que l’on dispose de nombreuses prises de vues des opérations de lutte à terre et très peu des opérations maritimes. Deux solutions sont envisagées : passer des accords avec des professionnels (télévisions ou sociétés de service) pour capturer sans délai des images et équiper les P.C. et États-majors d’un accès aux chaînes satellites.
- Il faut former sérieusement les responsables et personnes désignés, aux interviews radiophoniques et télévisées afin de diminuer les disparités de comportement.
- Les futurs plans d’urgence devront être conçus pour que des réunions d’information séparées soient fournies à la presse professionnelle, d’une part, et aux associations, lobbies divers, populations locales, d’autre part.
- Enfin, une réflexion devra être conduite sur la façon d’exercer un minimum de contrôle sur les nouveaux modes de diffusion de l’information et notamment Internet.
La collecte des données
De nombreux participants aux opérations maritimes et littorales avaient déjà acquis une sérieuse expérience lors de précédentes pollutions. Ils avaient donc l’habitude de tenir un ”journal de bord” personnel où était mentionné l’ensemble des problèmes, options possibles, décisions prises et actions conduites, qui permettait ensuite d’établir un rapport d’ensemble. Cependant, cette pratique ne fut pas adoptée de façon systématique, compte tenu du grand nombre d’intervenants, d’origines et cultures opérationnelles différentes. Il en a résulté une grande inégalité dans l’enregistrement des informations concernant cet incident.
En conséquence, les autorités britanniques travaillent à la mise au point d’une approche standard d’enregistrement des diverses informations liées à un accident en utilisant comme support un Système d’Information Géographique (SIG). Des consultations ont été lancées avec les autorités locales, les compagnies pétrolières et l’ITOPF sur le type d’informations à collecter, leur stockage et leur traitement.
Les moyens complémentaires
En relation directe avec le thème précédent, les conclusions du MPCU montrent le besoin flagrant dans les États-majors de personnels non spécialisés techniquement, chargés de la réception des informations, de leur enregistrement, de leur rediffusion, de la gestion des problèmes logistiques des salles d’opérations. Ces personnels ont semble-t-il fait cruellement défaut lors de cet accident.
De plus les britanniques ont ressenti le besoin d’une structure qui réponde aux nombreuses questions, ministérielles, parlementaires ou tout simplement au public. Lors de l’accident du Sea Empress le “Shipping Policy Directorate” fut chargé de cette tâche. Cette direction fut saisie de 103 questions parlementaires. Elle rédigea 405 lettres ministérielles et prépara 2 700 réponses à l’adresse de particuliers. Le plan national d’urgence britannique sera probablement revu afin de mieux refléter le rôle interministériel joué par le “Shipping Policy Directorate” lors de pollutions majeures.