Les arrivages et la lutte sur le littoral français
Les premiers arrivages
Les premiers arrivages sur le littoral français de boulettes d'hydrocarbure soupçonnées venir du Prestige ont eu lieu sur les plages landaises le 31 décembre 2002. Des échantillons, analysés par le laboratoire d'analyses scientifiques et d'expertise de la Marine nationale (LASEM) et le Cedre, en ont confirmé l'origine les jours suivants.
La Gironde et la Charente Maritime ont été touchées le 2 janvier 2003, la Vendée (Sud-Est de l’île d’Yeu) le 4 janvier, les Pyrénées Atlantiques vers le 10 janvier. Le Sud de la Loire-Atlantique et la côte ouest de Belle-île dans le Morbihan ont été touchées par à partir du 20 janvier.
Après une rémission pendant le mois de mars, la pollution a continué à s'étendre avec de légers échouages de boulettes à la mi-mars sur le littoral de plusieurs communes du Finistère Sud et du Morbihan. Le littoral du Nord du Finistère et des Côtes d'Armor ont été atteints début mai, puis la Manche (côte Est du Cotentin) fin mai. Quelques boulettes sont arrivées en Ile et Vilaine mi-juin, achevant de toucher les dix départements de la côte Atlantique.
Les cartes récapitulatives des arrivages d'hydrocarbures sur le littoral Atlantique français cumulent mois par mois les arrivages portés à notre connaissance, montrant l'extension progressive de la pollution, en relation directe avec les mouvements des nappes observées en mer et les enregistrements de dérive de bouées lorsque la pollution a cessé d'être visible par voie aérienne.
La zone de défense Sud-Ouest en lutte
Préparation à la lutte
Dès le début décembre, des réunions en préfectures, auxquelles ont participé des ingénieurs du Cedre, ont permis de préparer la lutte au niveau de la zone de défense Sud-Ouest et de ses départements constitutifs (Pyrénées Atlantiques, Landes, Gironde, Charente-maritime):
- protection du littoral (détermination des sites à protéger en priorité, pré-positionnement de barrages flottants.)
- gestion des bénévoles,
- organisation des chantiers,
- stockage et traitement des déchets (présélection de sites de stockage, recherche de solutions de traitement)
Pyrénées-Atlantiques
Le département des Pyrénées-Atlantiques a déclenché son plan Polmar-Terre le 7 décembre 2002. Tout le mois de janvier, les arrivages de boulettes sont restés exceptionnels et ont pu être immédiatement collectés à la main. Un arrêté préfectoral en date du 31 janvier 2003 a interdit l'accès du public au littoral. Début février, l'intensification les arrivages a contraint a compléter le ramassage manuel par des opérations mécaniques (cribleuses, rouleaux).
En protection, des filets ont été disposés en travers de rivières et déployées sur des enrochements (chalut doublé d’un filet à mailles fines fixé en haut et en bas de l’enrochement) pour des test de tenue en zone exposée.
Après un premier nettoyage, les plages larges, peu pentues en partie haute et plus pentues en partie basse, dont le stock sédimentaire est remanié à chaque marée, ont été traitées par "surfwashing" fin avril, à un coefficient de marée inférieur à 70, les sédiments pollués étant déposés sur la partie pentue de la plage (zone de déferlement).
Plusieurs sites d'accès difficile ont nécessité l'intervention de cordistes et ponctuellement d'une évacuation par hélicoptère de déchets conditionnés en big bags.
L'arrêté d'interdiction d'accès du public aux plages a été levé le 21 mars, laissant alors aux maires la charge de décider au cas par cas de l'ouverture des plages après étude de leur état sanitaire.
Landes
Le département des Landes a déclenché son plan Polmar-Terre le 9 décembre 2002. En plus du ramassage manuel, des cribleuses ont été utilisées en haut de plage pour retirer les boulettes dans les zones sèches. Des rouleaux oléophiles de ramassage sélectif ont été testées en janvier et utilisées par la suite pour retirer le fioul déposé dans les zones humides des plages. De nombreux filets de type filets à civelle ont été déployés sur l’estran dans le but de piéger les boulettes susceptibles de s’y déposer : l’une des extrémités du filet est fixée sur l’estran, l’autre extrémité reste libre. De ce fait, le filet se déploie sur toute sa longueur et se meut au gré des vagues et des courants, en piégeant un éventuel polluant.
Plusieurs essais de résistance des protections des enrochements ont été réalisés.
Gironde
En Gironde, deux types de cribleuses ont été utilisées de façon complémentaire sur les plages, en fonction de la taille des boulettes et du contexte sédimentaire (sable mouillé…). Des barrages ont été posés pour protéger des zones sensibles et des protections d'enrochements par des filets ont été effectuées. Des « épis » en filets, ancrés au fond et maintenus par des bouées, ont été déployés le long de la côte.
Un dispositif particulier de protection du bassin d’Arcachon a été conçu et mis en place. Il comportait 7 niveaux (surveillance des eaux côtières à l’entrée du bassin et le long des plages océanes, piégeage du polluant dans le bassin au moyen de chaluts de surface, piégeage du polluant dans le bassin au moyen d’épuisettes, protection localisée permanente par un dispositif d’épis fixes, protection localisée par un dispositif d’épis « mobiles », protection de parcs ostréicoles, protection des prises d’eau dans le communes de l'est du bassin). Suivant la typologie des prises d’eau (chenaux, vannes verticales, buses, canalisations), différents niveaux de protection ont été proposés : filets grossiers, filets fins, dispositifs de filtration.
Des chaluts pélagiques ont été modifiés (rétrécissement des mailles) pour les utiliser à la détection de polluant dans le colonne d’eau, tandis que des bateaux de pêche équipés de chaluts de fond sortaient pour détecter la présence éventuelle de polluant sur des fonds de 15 à 20 m à proximité du littoral. Des sennes adaptées à la récupération en zone côtière ont également été mis en œuvre par de petits bateaux de pêche dans le chenal d’Arcachon pour parer aux éventuelles arrivées de polluant dans cette zone.
Les plages ont pu être progressivement réouvertes au public à partir des vacances de printemps.
Charente-Maritime
Le plan Polmar-Terre Charente-Maritime a été déclenché le 3 janvier 2003. L’accent a été mis sur le ramassage manuel et la protection avec pose de barrages et de filets serpillières. Un dispositif de protection des étiers et prises d’eau des bassins conchylicoles a été mis en place, complété par une organisation de lutte en trois rideaux : chalutiers pélagiques, petites embarcations équipées de filets à civelle pour les pertuis et filets en serpillières pour protéger les bouchots.
Synthèse zonale
Les cartes de synthèse hebdomadaire des opérations de lutte à terre montrent précisément l'ampleur des moyens engagés semaine après semaine au niveau de l'ensemble de la zone et les quantités de matériaux pollués qui ont été récupérés et ont dû être traités.
La zone de défense Ouest se joint à la lutte
Avec un vent d'Ouest soutenu, perdurant plusieurs jours d’affilée, de nombreux échouages se sont produits début mai sur les façades maritimes exposées. Des départements jusque là peu ou pratiquement pas touchés (Vendée, Loire-Atlantique, Morbihan, Finistère) l’ont été à des degrés divers, atteignant pour certains l’importance des premiers arrivages de janvier sur les départements du Sud-Ouest. Ces derniers ont eux-mêmes été à nouveau impactés, de manière plus importante que lors des semaines écoulées. Tous les départements de l'ouest, des Pyrénées-Atlantiques aux Côtes-d’Armor, ont progressivement souffert d'arrivages très significatifs de boulettes et galettes de fioul lourd de 1 à 15 cm de diamètre, concentrées en laisse de haute mer, plus particulièrement le Finistère, le Morbihan et les Landes.
La zone de défense Ouest (Vendée, Loire-Atlantique, Morbihan, Finistère, Côtes d'Armor, Manche) a rejoint la zone de défense Sud-Ouest dans la lutte contre la pollution du Prestige. Les arrivages étant réduits et très dispersés, cela s'est fait sans activation des plans Polmar, pour laisser l'initiative au niveau local. Les pollutions, variables d'un lieu à l'autre en quantité et en impact, en fonction de l'orientation et du type de littoral touché (plage de sable, zone rocheuse ou cordon / plage de galets), ont été quotidiennement traitées par les services techniques communaux et les sapeurs-pompiers, puis des contractuels Polmar.
Bilan des quantités de déchets liés au Prestige
Cette carte rassemble les données rassemblées par les autorités françaises et espagnoles responsables de la lutte. Ces données ont été discutées dans le cadre de réunions tripartites périodiques Espagne/France/Portugal et validées par les techniciens participants. Elles n'ont pas de valeur juridique et sont susceptibles d'être modifiées à tout moment au fur et à mesure de la vérification des comptes de quantités traitées dans les centres de réception.
Ce bilan encore provisoire représente une évolution considérable dans les rapports entre la récupération en mer et la récupération à terre. Dans le passé la récupération en mer ne représentait qu'une part très minime du total récupéré (moins du dixième dans la plupart des marées noires majeures).