Foucault
- Nom
- Foucault
- Date de l'accident
- 09/1940
- Lieu
- Île de Ré - France
- Zone du naufrage
- Plage de Sablanceaux (Ile de Ré)
- Zone du déversement
- Zone littorale
- Cause de l'accident
- Acte de guerre
- Nature polluant
- Hydrocarbure
- Type de navire / structure
- Paquebot de croisière
- Lieu de construction
- Chantier de la Seyne-sur-Mer
- Longueur
- 152 m
- Pavillon
- Français
- Armateur
- Chargeurs Réunis
L'accident
En cale sèche à La Rochelle pour des réparations consécutives à son abordage quelques mois auparavant, ce paquebot de 152 mètres de long, réquisitionné pour évacuer les troupes françaises, est bombardé en juin 1940. Plusieurs explosions se produisent et le navire brûle pendant deux jours. Sommairement réparé, il est alors remorqué puis échoué à quelques dizaines de mètres de la plage de Sablanceaux le 18 septembre 1940.
Le Foucault ne fait alors plus parler de lui pendant pratiquement 60 ans. Seuls quelques récupérateurs de matériaux continuent de lui porter de l’intérêt, entre 1941 et 1952, le privant progressivement de la majorité de ses superstructures.
Au cours de l’été 2000, en pleine saison touristique, l’épave du Foucault très ensablée et émergeant par endroit, laisse échapper une première fois une quantité notable d’hydrocarbures. Probablement fragilisée par la violente tempête de décembre 1999, les effets du temps et de la mer, l’épave échouée par petits fonds (de 1 à 5 mètres au-dessous du zéro hydrographique) souille un littoral particulièrement fréquenté alors que le naufrage de l’Erika est encore d’actualité.
Lutte contre la pollution
Un premier barrage est rapidement installé et des opérations de pompage sont organisées, avec les moyens localement disponibles, permettant la récupération de 35 m3 de fioul.
L’épave continue toutefois de fuir lentement, ce qui amène l’État à lancer un marché de définition pour sa complète dépollution.
Jusqu’en 2004 des hydrocarbure continuent à s’échapper de l’épave sporadiquement, mais de façon notable, principalement l’été, sans que cette quantité puisse être plus précisément évaluée. Le caractère discontinu des fuites contribue un moment à entretenir le doute quant à l’origine de la pollution. Provient-elle de l’épave du Foucault, de relargages de navires passant au large, ou bien à partir de 2003 de la pollution du Prestige.
Face à une pollution aussi diffuse, la question de l’évaluation du risque de pollution apparaît particulièrement délicate.
L’incendie initial du Foucault et l’idée reçue que l’armée d’occupation avait vidé les soutes du navire de son précieux carburant avant de l’échouer, ainsi que le résultat du pompage réalisé en 2000 (supposé avoir purgé les derniers mètres cubes), laissent imaginer que seuls quelques résidus mélangés aux vases des fonds marins alimentent encore les dernières fuites, présumées devoir s’éteindre d’elles-mêmes à court terme. Toutefois, la sensibilité socio-économique du site et la richesse environnementale de ses habitats (projet de site Natura 2000, tortues Luth, mammifères marins) n'autorisent pas les présomptions.
Des investigations complémentaires sont donc conduites sur place, notamment avec le concours des scaphandriers de la DDE (Direction Départementale de l’Équipement) et du GPD (Groupement des Plongeurs Démineurs) de la Marine nationale. La visibilité très réduite résultant de la turbidité naturelle du site, les courants de marée très sensibles, la situation de l’épave dans la zone de déferlement de la plage et l’entrelacs de métal hérité des travaux des récupérateurs rendent l’approche de l’épave particulièrement dangereuse et limitent l’acquisition d’informations complémentaires.
Finalement, la quantité d’hydrocarbures susceptible d’être encore présente dans l’épave est évaluée à un maximum de 50 m3 localisés dans les soutes et les ballasts de la zone des machines. Il est décidé de procéder à l’enlèvement de toute cette partie de l’épave, seule solution offrant des perspectives de dépollution durable. Le bien fondé de l’enlèvement de l’épave ne fait aucun doute non seulement d’un point de vue environnemental mais également du point de vue de la sécurité, en effet, 150 obus y sont découverts.
Opérations de relèvement
Bien que le site présente, a priori, des conditions favorables (petits fonds, abri des îles de Ré et d’Oléron, infrastructures portuaires de repli à proximité immédiate …), les opérations sont rendues difficiles par l’encombrement de la zone (sept autres épaves entourent Le Foucault) et par la situation de l’épave dans la zone de déferlement de la plage.
L’appel d’offre lancé sur la base d’une évaluation à 1,5 million d’Euros porte sur la dépollution du Foucault et le traitement des sept autres épaves. La société belge retenue, Scaldis, qui avait déjà mené le premier pompage des cuves du Foucault en 2001, commence les opérations d'enlèvement en mars 2004, à partir de la barge Rambiz (qui a travaillé également sur le chantier du Tricolor). Un énorme grappin de 850 tonnes désintègre l’épave en morceaux qui sont laissés sur place (et repérés au GPS) en vue d'une reprise ultérieure. Le grappin découpe, enlève, et dépollue en déposant à terre la partie de l’épave renfermant les machines et les cuves. Au cours de ces opérations, des résidus de soute sont relargués, polluant des plages voisines. Les moyens de lutte prévus (absorbants, rouleaux oléophiles), sont aussitôt mis en œuvre par l'opérateur. Le chantier est pratiquement terminé à la fin de l’année 2004, seuls quelques morceaux épars restent à retirer.
L’été 2005 est le premier depuis cinq ans sans pollution aux hydrocarbures sur les plages autour de l’île de Ré et de La Rochelle.
L'indemnisation
Compte tenu de l’histoire de l’épave, ni l’armateur (qui n’existe plus), ni les dommages de guerre ne peuvent plus être appelés valablement en garantie.
Dès 2000, l’État met donc en place un premier financement de 840 000 Euros via le fonds Polmar, administré par le ministère de l’Écologie et du Développement durable, pour la dépollution du site.
En l’absence de certitude sur les risques associés aux autres épaves avoisinantes, les collectivités locales et l’État conviennent rapidement d’étendre l’opération à tout le site.
Le Ciadt, créé après la tempête de 1999, décide alors de l’allocation de crédits d’État exceptionnels pour l’entretien du domaine public maritime. La Région Poitou-Charentes, le Département de Charente-Maritime et la Communauté de communes de l’île de Ré décident de porter leur participation à hauteur de celle de l’État pour un second financement de 1,6 million d’Euros.
Le cas du Foucault illustre et confirme bien des aspects présentés au sujet des épaves. Il est notamment très difficile de déterminer quelle quantité d’hydrocarbure subsiste à bord, d’évaluer les risques de pollution résiduelle, le coût de l’opération de dépollution, de retrouver des informations précises sur les navires anciens et de bien circonscrire les difficultés techniques associées à une telle opération.
Les enseignements
L’opération du Foucault se singularise toutefois par son financement. Alors qu’il est souvent difficile d’obtenir la prise en charge des coûts par l’armateur d’un navire potentiellement polluant venant de sombrer et pratiquement impossible pour une épave ancienne, le financement de la dépollution du Foucault a été mis en place en quelques semaines, près de 60 ans après son naufrage.
Plusieurs éléments favorables expliquent une telle réactivité.
L’épave souille un site exceptionnel, à la fois par la qualité de son environnement mais aussi par sa notoriété socio-économique. La tempête du 26 décembre 1999 vient de toucher très durement les côtes de Charente-Maritime et aucune action préventive, vraiment efficace, n’a été possible. L’opération du Foucault offre l’opportunité de reprendre en main le cours des événements et de lutter contre une nouvelle menace, cette fois-ci susceptible d’être prévenue. Le Ciadt du 28 février 2000 décide, dès le lendemain de la tempête, de mettre en place un programme de remise en état du littoral sans précédent. C’est probablement aussi ce qui motive les collectivités territoriales à faire de cette opération un objectif du contrat de Plan État-Région et à y consacrer des sommes très substantielles, notamment en y affectant une large part du produit de l’écotaxe (dispositif de la Loi Barnier pour la gestion des espaces naturels) de l’île de Ré.
Dossier extrait de l'article d'Yves Salaün, responsable du service maritime de Charentes maritimes, paru dans le bulletin n°21 du Cedre (2006).
Voir aussi
Lettre technique du Cedre, Mer et Littoral, Année 2004, n° 5
Bulletin d'information du Cedre, n°21 - "Le traitement des épaves potentiellement polluantes" .