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MSC Zoe

Nom
MSC Zoe
Date de l'accident
02/01/2019
Lieu
Mer du Nord - DST Terschelling - Baie allemande
Zone du déversement
Pleine mer
Cause de l'accident
Conditions météo
Produit transporté
13 465 conteneurs dont 3 de marchandises dangereuses
Nature polluant
280 sacs de 25 kg de peroxyde de benzoyle en poudre et 1 400 kg de batteries lithium-ion
Quantité déversée
342 conteneurs (2 avec des substances potentiellement dangereuses)
Type de navire / structure
Porte-conteneurs
Date de construction
2015
Lieu de construction
Corée du sud
Longueur
395 m
Largeur
59 m
Tirant d'eau
14 m
Pavillon
Panaméen
Propriétaire
Xiangxing International Ship Lease Co Ltd
Armateur
MSC (Mediterranean Shipping Company)
P&I Club
West of England
Société de classification
DNV-GL / China Classification Society
Numéro IMO
9703318

L'accident

Dans la nuit du 1er au 2 janvier 2019, le porte-conteneurs MSC Zoe, soumis à des vents de force 8, perd des conteneurs alors qu’il se trouve dans le Dispositif de Séparation du Trafic Terschelling - German Bight, entre l’Allemagne et les Pays-Bas. Les deux pays ont mené des actions conjointes pour s’efforcer de localiser et récupérer autant de conteneurs et de marchandises que possible, que ce soit en mer ou à terre. Une épave ancienne a été retrouvée à cette occasion.

Le 2 janvier 2019, des débris de conteneurs et des marchandises diverses arrivent sur le littoral des îles de la Frise allemandes et néerlandaises. Ces objets et débris sont issus de conteneurs perdus dans la nuit du 1er au 2 par le porte-conteneurs MSC Zoe, qui fait route de Sines (Portugal) vers Bremerhaven (Allemagne), chargé de 13 465 EVP (Équivalent Vingt Pieds). Ce navire est l’un des plus gros porte-conteneurs au monde et assure une ligne régulière entre l’Asie et l’Europe.

Le MSC Zoe, alors dans le Dispositif de Séparation du Trafic (DST) Terschelling - German Bight, est soumis à des vents de force 8 à 9 et prend la houle par le travers. L’équipage ressent de forts mouvements de roulis. Une tournée d’inspection et de vérification de l’arrimage des conteneurs (notamment 3 d’entre eux, qui contiennent des matières dangereuses) est effectuée dans l’après-midi du 1er.

Vers 23h00, le roulis s’amplifie, au point de réveiller le second du capitaine et de faire voler des objets à bord (dont une imprimante sur la passerelle). Le roulis semble ensuite se calmer.

À 1h00 du matin le 2, une inspection visuelle menée à l’aide d’un projecteur montre qu’un certain nombre de conteneurs est tombé à l’eau. D’autres sont en équilibre sur le pont. L’obscurité et les conditions météorologiques ne permettent pas une investigation plus poussée.

À 1h30, le roulis s’amplifie de nouveau et le commandant voit des conteneurs se désarrimer et tomber par-dessus bord. Les autorités sont prévenues, le navire ralentit et infléchit sa route afin de limiter l’influence de la houle et du vent. À ce stade, le bord annonce la perte d’une trentaine de conteneurs.

Au lever du jour, une ronde est menée, afin notamment de localiser les conteneurs de matières dangereuses. Deux d’entre eux sont partis à la mer, le troisième est désarrimé et suspendu le long du navire. D’autres conteneurs ont également été perdus et l’équipage constate des dégâts sur les saisines, les barres de saisissage, les twistlocks (verrous tournants), les goupilles... Des débris de dispositifs d’arrimage sont trouvés sur le pont. Le nombre de conteneurs perdus est réévalué plusieurs fois, pour finalement arriver à un total de 270 le 2 au soir. À ce stade, les autorités disposent du manifeste complet mais ne savent pas quels conteneurs ont été perdus. La garde côtière néerlandaise dépêche un navire pour faire la police sur l’eau et dévier le trafic maritime vers le nord du DST.

Un plan d’action pour récupérer ce qui peut l’être est déjà en cours de mise au point et de discussion entre la société de sauvetage sélectionnée par l’assureur du navire et les autorités néerlandaises.

À 1h00 du matin le 3, le MSC Zoe est à quai à Bremehaven. Une nouvelle inspection est menée à bord, par l’équipage et les autorités allemandes et néerlandaises. Il est encore difficile de déterminer de façon exhaustive ce qui a été perdu, certains conteneurs étant complètement écrasés sur le pont.

Ce n’est qu’au déchargement final à Gdansk, plusieurs jours après, que le bilan final sera établi : plus de 1 000 conteneurs ont été endommagés et 342 conteneurs sont passés par-dessus bord, ce qui, d’après le manifeste, correspond à 3 200 tonnes de marchandises.

Seuls trois d’entre eux contiennent des matières dangereuses. Pour l’un, il s’agissait de 280 cartons contenant des sacs emplis d’un mélange peroxyde de dibenzoyle + dicyclohexyl phthalate, une poudre blanche irritante, mais surtout un oxydant puissant qui peut subir une décomposition violente à haute température. Deux sacs pleins (25 kg chacun) ont été retrouvés sur une plage aux Pays-Bas et récupérés de manière sécurisée. Plusieurs sacs vides ont été retrouvés en Allemagne. Le conteneur lui-même a été retrouvé vide.

Le deuxième conteneur comprenait des batteries lithium-ion à hauteur de 1 400 kg. À notre connaissance, il n’a pas été retrouvé.

Enfin, le troisième était chargé de 22,5 tonnes de billes pour polymère moussé (Granulés Plastiques Industriels, GPI - billes expansibles). Ces billes sont considérées comme dangereuses du fait de leur mode de fabrication, qui fait qu’elles peuvent relâcher du pentane (quelque pour cent) durant leur transport, ce qui peut générer une atmosphère inflammable. Ce type de billes a déjà été mis en cause lors de fortes explosions.

Ces petites billes (4 mm de diamètre) ont été retrouvées immédiatement sur des plages suite à l’accident. Elles ont ensuite été dispersées par le vent, ce qui a rendu leur récupération particulièrement difficile.

 

Les opérations de lutte en mer et à terre

La fermeture du DST est envisagée dans les heures suivant l’accident, mais cette option est rapidement abandonnée, les premières investigations ayant montré l’absence de risque de talonnage sur des piles de conteneurs tombés au fond.

Aussitôt après la perte de conteneurs, la coopération se met en place entre les autorités allemandes et néerlandaises et l’armateur du navire (via son P&I club). La MSC (Mediterranean Shipping Company) désigne ainsi la société Ardent pour procéder à la recherche et la récupération en mer. La zone à investiguer est immense, de l’ordre de 4 200 km2. Les deux pays s’accordent rapidement sur les zones géographiques où doivent être menées les actions de recherche et de récupération.

Il s’agit d’abord de localiser les conteneurs et leurs débris (beaucoup n’ont pas résisté à la force des éléments) ainsi que divers objets s’en étant échappés. Les avions de patrouille maritimes (Dornier 228) des deux pays quadrillent la zone.

Des recherches sont également menées à l’aide de navires équipés de sondeurs multifaisceaux. Dans un premier temps, les recherches se concentrent dans le rail sud du DST, puis s’étendent ensuite dans la zone comprise entre le rail et la côte.

En tout, 6 000 « objets » sont détectés au fond et une cartographie précise de chaque km2 est effectuée. Évidemment tous ces objets ne proviennent pas du MSC Zoe et il est difficilement envisageable de remonter tout ce qui est retrouvé. Des observations complémentaires sont alors réalisées avec un ROV (Remotely Operated underwater Vehicle - Véhicule sous-marin téléguidé) muni d’une caméra pour essayer de discriminer ce qui est lié à l’accident de débris d’autre nature.

Les objets et débris sont ensuite remontés sur le pont de navires équipés de grues et grappins et amenés dans un centre de collecte central. Un rapport est établi pour chaque objet identifiable. En se basant sur ces rapports, la Rijkswaterstaat (agence de gestion des eaux des Pays-Bas) parvient à identifier dans quel conteneur était transporté chaque objet et où il était placé à bord, en recoupant avec le manifeste.

Les pêcheurs sont également invités à contribuer à la récupération dans le cadre du programme « Fishing for litter » (cf. page 20, Bulletin d’Information du Cedre n° 40).

De fait, les débris flottants en surface et sub-surface constituent une gêne, voire un danger pour la navigation. Plusieurs chalutiers ont subi des croches.

Plusieurs îles de la Frise connaissent des arrivages d’objets divers : conteneurs, fragments de conteneurs, billes de plastique, pièces automobiles (roues, tableaux de bord...), chaussures, coussins, vêtements, jouets, ampoules électriques...Sont notamment concernées Vlieland, Terschelling, Schiermonnikoog (Pays-Bas) et Borkum (Allemagne). Des débris atteignent aussi le continent (Frise et Groningue aux Pays-Bas, Basse-Saxe en Allemagne).

En Allemagne, le ramassage est géré par les communes, le Havariekommando (institution dont le rôle est de garantir une gestion coordonnée et conjointe des accidents dans la mer du Nord et la mer Baltique, cette institution coordonne le ramassage), les pompiers, les sauveteurs en mer et des volontaires. Des véhicules amphibies à chenilles sont notamment utilisés sur l’île de Borkum.

Aux Pays-Bas, les services d’urgence (dont l’armée) sont également assistés par de nombreux volontaires.

Au 4 juillet 2019, 2 383 tonnes sur 3 200 avaient été récupérées, en mer ou à terre. En février 2020, on estime que la majorité de ce qui a été perdu en mer a été retrouvé et récupéré.

Un suivi à long terme des impacts liés à des objets perdus (notamment les billes de plastique) sur cet écosystème fragile (la mer des Wadden est classée comme réserve de biosphère par l’UNESCO) a été entrepris.

Une étude a été menée en particulier suite à une surmortalité de guillemots observée en janvier et février 2019 : d’après les estimations, 20 000 guillemots seraient morts, d’abord dans le nord, puis rapidement dans le sud des Pays-Bas. Plusieurs instituts de recherches se sont associés à des centres de soins pour procéder à une séance conjointe de nécropsies : 123 guillemots et 12 pingouins Torda ont été autopsiés. Ces oiseaux sont déclarés morts de faim sans qu'une relation soit établie avec les billes plastiques ou d’autres débris du MSC Zoe.

 

Causes de l'accident et recommandations

En juin 2020, un rapport d’enquête, « Loss of containers overboard from MSC Zoe, 1-2 January 2019 » est publié conjointement par le Dutch Safety Board, le « Bundesstelle für Seeunfalluntersuchung » (BSU, Federal Bureau of Maritime Casualties Investigation, Allemagne) et la Panama Maritime Authority. Il reprend en partie les analyses et conclusions du rapport « Safe container transport north of the Wadden Islands - lessons learned following the loss of containers from MSC Zoe », publié également en juin par le Dutch Safety Board.

En croisant les lieux de découverte des débris et objets divers avec l’étude faite par la Rijkswaterstaat et la route du navire, les enquêteurs ont conclu qu’il y avait eu en fait plusieurs épisodes de pertes de conteneurs : à chaque lieu, les arrivages concordent avec des groupes de conteneurs positionnés les uns à côtés des autres en pontée. En considérant ces zones de concentration des arrivages, il y aurait eu en tout 6 séquences de perte de groupes de conteneurs, entre 20h00 le 1er janvier et 01h30 le 2.

Concernant les causes précises de ces pertes successives de conteneurs, les enquêteurs écartent la vétusté du navire (mis en service en 2015, soit 4 ans avant l’incident) mais pointent un manque de qualification, de compétences et de vigilance de l’équipage ainsi que des erreurs au moment du chargement ou du saisissage. Les conditions météorologiques rencontrées étaient certes défavorables, mais ni rares ni particulièrement extrêmes pour cette zone.

Le Dutch Safety Board a fait appel à deux instituts de recherche. L’un (Deltares) a modélisé les courants, hauteur d’eau, vents et vagues que le navire a rencontrés sur sa route, l’autre (MARIN) a appliqué ces paramètres sur un modèle réduit de porte-conteneurs dans un bassin d’essais.

Le BSU a de son côté travaillé avec l’Université de Hambourg. Les tests en bassin ont montré que le navire avait en effet été soumis à de forts phénomènes de roulis paramétrique, et du fait de ses qualités intrinsèques, notamment sa très bonne stabilité, était à chaque fois revenu rapidement à sa position d’équilibre, soumettant ainsi ses structures et son chargement à de très fortes accélérations et à des forces significatives. Ce pourrait être la cause de la rupture des pièces et barres de saisissage. En bassin, le modèle de navire a talonné, du fait de ses propres mouvements mais aussi d’une forte amplitude des vagues. Enfin, dans les conditions des essais, des vagues sont venues impacter non sur la coque mais sur les rangées de conteneurs en pontée. La période de roulis de ce type de navire est très proche de celle de la houle observée dans cette zone de la mer du Nord. Quand le navire subit la mer de travers, ses mouvements sont ainsi amplifiés.

À la lumière de ces résultats, le Dutch Safety Board a émis un avis aux navigateurs informant de ces risques, et notamment les risques de talonnage (ou quasi-talonnage).

Le choix de la route (rail sud plutôt que nord) ne semble pas avoir eu d’impact significatif.

L’inspection par l’état du port (Port State Control, PSC) menée à Bremerhaven en janvier 2020 a révélé que plusieurs barres de maintien étaient brisées ou tordues. Des portiques d’amarrage étaient également endommagés, ainsi que des clapets coupe-feu, des ouvertures de ventilation et plusieurs écoutilles. La coque était légèrement enfoncée par endroit au-dessus de la ligne de flottaison.

Une inspection par plongeurs a également été menée à Gdansk. Le rapport de DNV-GL indique que les plongeurs n’ont trouvé aucun dommage compatible avec un talonnage du navire.

Les recommandations finales du rapport conjoint néerlando-germano-panaméen s’articulent autour des axes suivants :

  •  concernant les navires : réformer la législation actuelle pour les porte-conteneurs, en s’intéressant aux dispositifs d’arrimage mais aussi à la stabilité, notamment en cas de navigation en eaux peu profondes ; installer à bord des instruments permettant de mesurer et enregistrer en temps réel l’amplitude du roulis afin de pouvoir corriger la route du navire mais aussi de pouvoir analyser d’éventuels accidents/incidents a posteriori ; proposer des solutions pour aider l’équipage à détecter les pertes de conteneurs en temps réel ;
  •  concernant les autorités allemandes et néerlandaises : évaluer la nécessité de modifier la localisation du DST en prenant en compte les facteurs de risques et le fait que la mer des Wadden est classée par l’OMI (Organisation Maritime Internationale) comme zone maritime particulièrement vulnérable (PSSA) ;
  •  concernant la MSC : réfléchir à une meilleure conception et instrumentation des futurs porte-conteneurs ;
  •  concernant le World Shipping Council et la Chambre internationale de la marine marchande : communiquer sur le sujet et promouvoir les innovations en termes de conception et d’équipement des navires.

 

Découverte d'objets datant de précédents naufrages

Les recherches en mer ont permis la découverte d’épaves non répertoriées, ainsi que d’explosifs datant de la seconde guerre mondiale.

Plus étonnant, des plaques de cuivre et des poutres en bois ont été trouvées dans les eaux néerlandaises. Les plaques portaient la marque de la famille Fugger, banquiers et commerçants allemands.

Une enquête archéologique a montré que ces vestiges provenaient d’un navire mesurant une trentaine de mètres de long, construit autour de 1540 (les arbres ayant servi à sa construction ayant été abattus en 1536), ce qui en fait la plus vieille épave néerlandaise à ce jour.

 

 

Voir aussi

Dossier : les conteneurs, Bulletin d'information du Cedre, 2020, n° 41

Liens externes

Informations de Havariekommando sur : les marchandises dangereuses, l’impact du peroxyde de benzoyle sur le milieu marin, le contenu des conteneurs flottants, l’arrimage du chargement, le traitement des épaves…

Photos de la perte des conteneurs sur le site de Havariekommando

BSU, Federal Bureau of Maritime Casualties Investigation, Allemagne

Dutch Safety Board, Pays-Bas

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