Inondations en Ile-de-France et dans l’Yonne
- Nom
- Inondations en Ile-de-France et dans l’Yonne
- Date de l'accident
- 05/2016
- Lieu
- France
- Zone du naufrage
- Ile-de-France et Yonne
- Zone du déversement
- Eaux intérieures
- Cause de l'accident
- Conditions météo
- Nature polluant
- Divers hydrocarbures, produits chimiques et macro-déchets
Les événements
Fin mai 2016, une grande partie de la France est touchée par d’abondantes précipitations. Concentrées sur quelques jours, celles-ci aboutissent à des cumuls de pluie exceptionnels sur l’Île-de-France, la Picardie, la Bourgogne et le Centre, provoquant crues et inondations. Ces phénomènes entraînent des pollutions par hydrocarbures et produits chimiques sur des zones géographiques étendues, dans plusieurs régions de l’Hexagone. Trois départements, particulièrement touchés, font appel au Cedre : la Seine-et-Marne (77), l’Yonne (89) et l’Essonne (91).
Les installations concernées sont nombreuses et de types très divers : stockages d’huiles (neuves ou usagées), cuves à fioul, réservoirs, etc. Les polluants s’étendent sur de vastes périmètres inondés, incluant le lit de nombreux cours d’eau en crue. Espaces naturels, infrastructures et bâtiments d’habitation (maisons individuelles et immeubles) sont impactés, y compris dans leurs parties souterraines le cas échéant (parkings, caves…). Déjà très mobilisés par la gestion d’urgence des dommages et des risques liés à ces phénomènes d’ampleur exceptionnelle, les autorités locales et les Services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) doivent faire face à cette problématique de pollution « diffuse ».
Mobilisé, le Cedre dépêche dès les 5 et 6 juin des membres de son équipe sur place. Les sollicitations émanent de demandeurs différents : le SDIS 77 appuyé par la Préfecture de Melun en Seine-et-Marne, la Préfecture d’Evry dans l’Essonne et la Mairie de Charny Orée de Puisaye dans l’Yonne. Ces missions vont durer de quelques jours à quelques semaines. En plus des réunions dans les préfectures et mairies concernées, les sollicitations de terrain sont nombreuses.
Reconnaissances et évaluation de la situation
Les premières actions demandées correspondent à une assistance pour l’évaluation de la situation. Dans la commune de l’Yonne, une source principale de pollution est identifiée et des caves inondées avec débordement de cuves à fioul domestique sont aussi signalées. Ailleurs, les sources sont multiples, diffuses et parfois difficiles à localiser. Certains sites ou habitations sont ainsi fermés ou désaffectés, d’autres sont rendus difficiles d’accès du fait même des inondations.
La pollution s’est étendue très largement, entraînée par les eaux lors de la crue puis de la décrue. Des survols par hélicoptère permettent de suivre son extension le long des cours d’eau, d’observer les dispositifs de confinement déployés (principalement des barrages flottants) et de proposer des optimisations du dispositif. Très vite, ces investigations doivent être précisées via des reconnaissances terrestres, voire nautiques quand les rues sont inondées. De nouvelles préconisations concernant les techniques et moyens de confinement sont diffusées en soutien aux interventions d’urgence. Elles comportent notamment des conseils pour la mise en place de barrages à façon et de dispositifs filtrants, les barrages classiques étant inadaptés à certains sites.
De nombreuses habitations individuelles sont affectées par les hydrocarbures, obligeant à du porte-à-porte pour estimer précisément l’ampleur de la pollution et en déduire les recommandations techniques ad hoc. Ces reconnaissances sont menées conjointement avec des maires, des agents municipaux ou des personnels des SDIS et d’autres services.
Intervention dans les caves et parkings souterrains inondés
Une autre urgence est le pompage de grands volumes d’eau contaminée dans des sites restant inondés (caves, parkings souterrains). Le Cedre assiste le SDIS 77 dans la conception et la confection de systèmes de filtration de fortune composés de poubelles percées en partie basse et remplies d’absorbants en vrac. Ceux-ci permettent d’évacuer l’eau de ces sites et de la rejeter dans le milieu naturel. Des fiches techniques sont aussi produites par le Cedre et diffusées.
Des interrogations d’ordre sanitaire surgissent rapidement. Dès le 8 juin, une note rédigée à l’attention du grand public conjointement par l’Agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France, la Préfecture de Seine-et-Marne, le SDIS 77 et le Cedre indique la conduite à tenir en cas d’intervention dans les propriétés et caves inondées et polluées.
Définition d’un plan de prélèvement
Le Cedre participe à la définition d’un plan de prélèvement, géré par l’Unité départementale de Seine-et-Marne (UD 77) de la Direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie (DRIEE), de manière à caractériser les principales typologies de pollution.
Récupération sur l’eau
Lorsque la configuration des sites permet l’accumulation des hydrocarbures flottants sur des épaisseurs suffisantes, ces derniers sont récupérés par des moyens de pompage, éventuellement associés à des têtes d’écrémage. Cependant, dans les secteurs ouverts, le fort étalement du produit à la surface de l’eau ne permet qu’un recours à des produits absorbants.
Des boudins absorbants sont également déployés en « sentinelles », près de points de résurgence de pollution, voire pour protéger certains sites sensibles.
Très vite, la quantité d’absorbants nécessaire ainsi que leur pose, leur surveillance, leur renouvellement et leur traitement une fois souillés devient une problématique en soi. Elle s’ajoute à celle du stockage et du traitement des nombreux macro-déchets, pollués ou non, générés par les inondations. Des aires de stockage sont improvisées dans les communes, parfois dans des conditions très contraintes dans ce contexte perturbé. Dans certains cas, le stockage est par exemple réalisé sans protection préalable du sol, créant un risque de contamination secondaire.
Nettoyage des maisons et jardins
Concernant la pollution déposée lors du retrait des eaux, le Cedre est interrogé sur les techniques de nettoyage à mettre en œuvre dans les maisons et jardins, les équipements à utiliser et les sociétés privées à mobiliser. Ces préconisations seront utilisées pour procéder au nettoyage, mais également comme document justificatif à présenter aux assureurs des victimes.
Les techniques recommandées pour les jardins sont proches de celles mises en œuvre lors des « chantiers botaniques » mis en place dans les zones végétalisées naturelles contaminées par des hydrocarbures : fauche, coupe sélective, grattage, voire décapage de quelques centimètre de sol. Concernant le nettoyage de surfaces dures, l’accent est mis sur l’impérieuse nécessité de confiner, récupérer et traiter les effluents de lavage.
Certaines des questions posées ne relèvent pas des compétences du Cedre, amenant ce dernier à orienter les demandeurs vers le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) concernant les sondages et échantillonnages dans les terres polluées et l’ARS pour les questions sanitaires.
Dans les limites de son champ d’expertise concernant ces préoccupations, le Cedre rédige une note de constat et de préconisations pour chaque site visité. Il produit également, à l’attention de la préfecture de l’Essonne, une note de cadrage général pour les mairies. Celle-ci sera rapidement généralisée aux autres départements.
Le Cedre met fin à sa mission de terrain à la fin du mois de juin, mais continue jusqu’à la fin juillet à appuyer, depuis Brest, le BRGM et les autorités, notamment en affinant les premières préconisations données et en réalisant une cartographie des visites effectuées.
Bilan et retour d’expérience
Ces inondations d’ampleur de juin 2016 ont produit des pollutions atypiques à plusieurs points de vue : étendue des zones géographiques concernées, nombre important de sites souillés (environ 90), multiplicité des sources de pollution, diversité des types de polluants (hydrocarbures, produits phytosanitaires…) et situation de catastrophe naturelle.
La sécurité des intervenants s’est révélée être un point de vigilance particulièrement prégnant en raison de missions dans des endroits difficile d’accès comme des sous-sols de maisons encore inondées ou des zones marécageuses. Ceci était renforcé par la présence possible de composés volatils toxiques (COV, H2S) et de dangers immergés non visibles (bouches égouts, branches, objets divers…). Autre aspect très important qui a fortement mobilisé l’ensemble des acteurs de la réponse : les problématiques liées à la sécurité des habitants ainsi qu’à la salubrité des habitations et jardins impactés.
En termes de réponse antipollution, des solutions originales ont été mise en œuvre en utilisant les moyens disponibles sur place. La gestion des déchets, qu’il s’agisse de polluants, d’objets souillés ou d’absorbants usagés, s’est avérée compliquée en raison du volume extrêmement important que ces derniers représentaient.
Parmi les enseignements qu'a tirés le Cedre de cette intervention particulière, on retiendra l'intérêt de reconnaissances effectuées conjointement avec le SDIS ou des représentants de collectivités. Ceci a permis de faciliter l’accès des intervenants du Cedre aux différents sites souillés, élément indispensable à une bonne appréhension des problématiques et à la préconisation de techniques adaptées.
Voir aussi
Lettre technique, Eaux intérieures, Année 2016, n°26
Pollutions suite aux inondations en Ile-de-France, en 2016. Bulletin d’information du Cedre, 2018 n°38, pp. 4-12