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Prévisions de dérive des nappes et observations

Dès le 12 décembre, le Préfet maritime de l'Atlantique lance un programme quotidien de vols de surveillance par les avions spécialisés des Douanes (avions POLMAR I et II) et des avions de la Marine nationale. Par ailleurs, plusieurs modèles prévisionnels de dérive de nappes en mer sont activés. En tout premier lieu, le modèle MOTHY, développé par Météo France dans le cadre d'une collaboration avec le Cedre menée ces quatre dernières années à l'initiative du Secrétariat Général de la Mer. Le modèle avait pu être testé en Manche sur des pollutions accidentelles. Le deuxième modèle activé est le modèle anglais OSIS. Le troisième modèle est le modèle américain OILMAP, dont la coopérative pétrolière de lutte antipollution Oil Spill Response Ltd (OSRL) possède une licence et que Totalfina, membre de cette coopérative, a fait mettre en œuvre.
Les prévisions de ces différents modèles le jour de l'accident ont de quoi inquiéter. Les nappes doivent avoir dépassé l'île d'Yeu (Vendée) le 17 décembre pour le modèle américain OILMAP. Elles s'approchent de l'île le même jour selon le modèle britannique OSIS. Par contre, selon le modèle MOTHY de Météo France, les nappes restent encore loin au large ; cette dernière prévision de dérive se montre la plus proche des observations aériennes.
Dès le 14 décembre, il apparaît clairement que la prévision de Météo France est de loin la meilleure. Une cellule de crise s'installe au centre de prévisions marines de Météo France à Toulouse, pour chaque jour recaler les prévisions de dérive, au vu des résultats des observations aériennes. Recalage après recalage, les prévisions de Météo France sont de plus en plus systématiquement vérifiées. Relayées vers les autorités terrestres par la Préfecture maritime et le Cedre, elles deviennent tout naturellement l'information de référence.

 

 

Observations

Les satellites ont peu de chance de repérer les nappes de l'Erika. Ceux qui "voient" jour et nuit (ex : Radarsat, ERS) avec leurs radars capables de repérer la différence de rugosité de surface de l'eau provoquée par une nappe d'huile, perdent cette capacité quand la mer est trop calme ou, comme ce fût le cas ici, trop forte. Ceux qui "voient" dans le spectre visible et l'infrarouge (ex : SPOT) sont aveugles la nuit et par temps nuageux. Ils ne peuvent disposer que de rares créneaux de ciel dégagé et sont gênés par la houle qui déferle sur les nappes. Les uns et les autres, en orbite polaire, ne passent sur la zone qu'un jour sur dix. De fait, aucune image satellitale exploitable ne peut être obtenue, contrairement à ce qui s'était passé en 1996 lors de la marée noire du Sea Empress au Pays de Galles.
Tout le travail d'observation repose donc sur les avions des Douanes ou de l'Aéronavale, dans des conditions météorologiques difficiles pour les hommes et le matériel.

 

Limite des prévisions

Aussi soignées soient-elles, les prévisions ne sont pas une information absolue. La position des nappes et le modèle de dérive sont toujours sujets à incertitudes. La position des nappes, les conditions de mer et les caractéristiques du polluant rendent le travail des équipages des avions très ardu. Certaines nappes sont perdues, retrouvées, puis reperdues, au fil de leur dérive et de leur désagrégation. Le modèle de dérive intègre, de plus, une incertitude à l'approche du littoral, où les phénomènes de vents et de courants locaux apportent, comme toujours, des interférences difficilement prévisibles.
Dès le 15 décembre, un vol est spécifiquement consacré à la recherche de plaques de fioul en avant du front des nappes. Ce vol et les observations ultérieures ne montrent rien. Les premiers arrivages du 23 décembre, non attendus, sur la côte du sud Finistère, soulèvent la question de leur origine. Le 24 décembre, les analyses montrent qu'ils proviennent bien de l'Erika. Une partie de la pollution a donc échappé aux observations, déclenchant une vague de critiques contre les prévisions de dérive. Elle peut provenir soit du navire avant sa cassure, soit des épaves.
L'essentiel de la pollution est bien arrivé, du 24 au 27 décembre, dans la zone indiquée par la prévision de dérive. Mais des nappes moins importantes, qui ont touché le littoral du Morbihan à l'ouest de Belle-Ile, ont aussi échappé aux observations aériennes et n'ont pas pu être prises en compte dans les prévisions de dérive. C'est seulement le 30 décembre, quand la houle soulevée par la tempête s'est enfin calmée, qu'il est possible au Préfet maritime de mettre simultanément en œuvre 4 avions pour un inventaire complet au large des côtes touchées. Cet inventaire met en évidence des centaines de plaques (1 à 5 m) et de galettes (moins de 1 m) et une multitude de lignes de boulettes. Ce qui n'était pas arrivé à terre était bien là, ni coulé, ni disparu, mais désagrégé en une multitude de petites unités invisibles par mer forte.
Il est encore trop tôt pour tirer un bilan complet de ce qui a été vu et prévu, afin de faire progresser le savoir-faire et les procédures. Mais plusieurs axes de réflexion sont déjà ouverts :

  • sur les capteurs embarqués à bord des avions et satellites : face à un produit faisant très peu d'effet "mer d'huile", par forte houle, les capteurs infra-rouges des avions se sont montrés plus efficaces que les capteurs radars aéroportés et satellitaux ;
  • sur le repérage des nappes et plaques cheminant à demi-submergées, sous quelques centimètres à quelques mètres d'eau ;
  • sur le perfectionnement de la prévision aux approches du littoral, où le besoin de performance est le plus élevé alors que les phénomènes perturbateurs se multiplient ;
  • sur les moyens d'accélérer la communication d'une information fiable, claire et complète entre les observateurs, les analystes, les prévisionnistes, les décideurs, les média et le public.
Dernière modification le 09/12/2000
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