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CSL Virginia

Nom
CSL Virginia
Date de l'accident
07/10/2018
Lieu
Eaux internationales (nord de la Corse)
Zone du naufrage
Cap Corse
Zone du déversement
Pleine mer
Cause de l'accident
Collision
Nature polluant
Fioul de propulsion
Quantité déversée
550 m³
Type de navire / structure
Porte-conteneurs
Date de construction
2005
Lieu de construction
Corée du sud
Longueur
294,16 m
Largeur
22,1 m
Tirant d'eau
13,65 m
Pavillon
Chypriote
Propriétaire
Duraven Shipping Company Ltd of Cyprus
Numéro IMO
9289568

L'accident

Le 7 octobre 2018, au lever du jour, à environ 15 nautiques au nord du Cap Corse, en eaux internationales, le roulier Ulysse, navigue vers Radès (Tunis) et percute violemment à l'avant-tribord le porte-conteneurs chypriote CSL Virginia, alors au mouillage, sans chargement. Cette collision a été suivie très rapidement d’un déversement en mer du fioul de propulsion, contenu dans une des soutes endommagées du CSL Virginia. L'hydrocarbure va dériver vers le nord-ouest. Il n'y a ni victime, ni blessé.

Dès le 8 octobre, l'ORSEC maritime, système polyvalent de gestion de crise pour la partie maritime, est activé à son plus haut niveau par le préfet maritime de la Méditerranée avec la création d'une EGC (Équipe de Gestion de Crise) chargée de la réponse stratégique à la crise et d'une EGI (Équipe de Gestion de l'Intervention). Le préfet maritime demande également l’activation de l’accord RAMOGEPOL.

 

 

La lutte en mer

Rapidement, la préfecture maritime ordonne l’expertise des navires impliqués pour évaluer les options de leur désincarcération et de leur sauvetage ; une Équipe d'Évaluation et d’Intervention (EEI) de la Marine nationale est hélitreuillée à bord du CSL Virginia. L’étude des modalités de séparation des deux navires est lancée le 8 octobre et un arrêté ainsi qu'un avis aux navigateurs émis par le préfet maritime. Après trois tentatives de désincarcération de l'Ulysse, dans la soirée du 11 octobre, celui-ci recule et se désencastre " spontanément " sous l'effet de la houle et l'effet continu des mouvements des deux navires. Il rejoint la Tunisie pour réparation.

La lutte en mer démarre le même jour. Le dispositif de réponse français, rapidement constitué de : remorqueurs  (l'Abeille Flandre et l'Altagna) et de Bâtiments de Soutien, d'Assistance et de Dépollution (le Jason et l'Ailette) et du renfort du Ceppol, est complété notamment de navires italiens (d’abord le Nos Taurus parti de Livourne, le Bonassola parti de Gènes, et le Koral parti de Sardaigne) puis du Brezzamare de la flotte antipollution de l'AESM. Un barrage antipollution autour de la brèche du CSL Virginia est mis en place.

L’état de la mer (initialement peu agitée) se dégrade au cours des jours suivant l’accident, causant la dissémination du fioul, dérivant en chapelets et en plaques plus ou moins fragmentées sur une aire de plusieurs dizaines de nautiques de long et empêchant un confinement et une récupération efficace du polluant. Les nappes de fioul les plus importantes sont suivies par des reconnaissances aériennes, quasi-quotidiennes réalisées en fonction de la météo qui ne s'améliore pas, et des largages de bouées qui aident à suivre la relocalisation du polluant. Au cours des jours qui suivent l'accident, à cause de la forte agitation de la mer, de nouvelles fuites de fioul s'échappent de la soute endommagée du porte-conteneurs.

D'autre remorqueurs viendront en renfort du dispositif en place : le Rablé, le Chambon Bora, le Taape, le VB Crau, le VB Rhône. La fragmentation du polluant va permettre l'utilisation de filets de surface et la mise en œuvre d'écrémeurs à seuil, qui facilitent la collecte sur l'eau.

Le dispositif de récupération du fioul en mer reste en place en mer jusqu'au 12 novembre.

Ces moyens très importants mobiliseront plus de 500 personnes (pour plus de 96 000 heures de travail cumulées ), jusqu'à 41 navires (français et italiens) et 13 aéronefs : hélicoptères, avions et drones (italiens et français dont ceux de la Marine et de la Douane Française). Tous ces dispositifs permettent de récupérer la majeure partie de l'hydrocarbure en mer mais une partie vient malheureusement s’échouer sur le littoral méditerranéen français. 

Le 16 octobre les premières boulettes de fioul s'échouent sur les côtes varoises.

Le 12 octobre commence le pompage de l'hydrocarbure restant dans la soute fuyarde du CSL VIrginia.

 

L'action du Cedre

Le Cedre, sollicité dès le 8 octobre, apporte son expertise en dépêchant un de ses membres qui intervient au sein de l'EGC. Par ailleurs le Cedre active, via sa convention avec Météo-France, le modèle de prévision de dérive des nappes d'hydrocarbures en mer MOTHY afin de permettre aux autorités une meilleure récupération du pétrole en mer et d'anticiper l'arrivée possible de ce pétrole sur le littoral. Le Cedre étudie le comportement du fioul de soute dans son Polludrome®. Ce fioul est proche d'un IFO 180, il s'évapore en partie, s'émulsionne rapidement (jusqu'à 50% d'eau dans le mélange final) et dérive parfois en subsurface ce qui ne facilite en rien les opérations de récupération en mer.

 

La lutte à terre

Le 16 octobre la plage de Pampelonne à Ramatuelle située dans le Var est polluée. Le jour même le préfet du Var active le plan POLMAR-Terre. Sous son autorité, les premières reconnaissances et la mise en place de chantiers de dépollution du littoral sont effectuées par les collectivités, les pompiers, les UIISC (Unités d’Instruction et d’Intervention de la Sécurité Civile) et la gendarmerie nationale. Un PCO (Poste de Commandement Opérationnel) est mis en place à Ramatuelle regroupant divers services (DREAL, DDTM, SDIS...) et les acteurs locaux concernés par la gestion de crise. Progressivement, plus de 10 communes de ce département, qui sera le plus impacté, sont touchées.

Ces premiers intervenants sont ensuite relevés avant la fin fin octobre par la société privée spécialisée Le Floch Dépollution mandatée par les assureurs des navires impliqués qui ont également sollicité l'expertise de l'ITOPF. L'avancée et le contrôle du travail effectué par la société Le Floch Dépollution sur le littoral reste sous l'autorité de l'état.

Quelques plages des Bouches-du-Rhône sont souillées début novembre.

L'extension de la pollution est conséquente du fait de nombreuses plaques et boulettes visqueuses émulsionnées en mer qui ont, au cours des jours et au gré des courants, souillé un linéaire discontinu important du littoral varois, se situant entre les communes de Sainte-Maxime et Hyères. De plus, les conditions météo (forts vents d'est accompagnés de houle et déferlements de vagues), durant la phase de nettoyage, favorisent la remobilisation du fioul et sa redistribution sur les plages, rendant nécessaire de nouvelles reconnaissances afin de repérer cette pollution et de la collecter rapidement pour en limiter son extension.

 

Divers facteurs vont ralentir les intervenants lors du nettoyage et en particulier des critères socio-économiques et environnementaux. En effet, les plages du golfe de Saint-Tropez par exemple sont un lieu prisé des touristes et d'autres lieux bénéficient d'un statut de protection dont l'Aire marine protégée "Corniche varoise", le Parc national de Port-Cros et des sites du Conservatoire du Littoral sur plusieurs communes (Saint-Tropez, Ramatuelle, La Croix-Valmer...). Le travail de nettoyage est long, fastidieux et nécessite de la rigueur afin de préserver l’environnement. La nature des sites touchés ralentit le nettoyage, le littoral est très souvent escarpé et difficilement accessible, composé de nombreuses petites criques plus ou moins encaissées et de hautes falaises escarpées.

Un important tri manuel des déchets en de nombreux secteurs s'effectue de façon à optimiser la sélectivité du ramassage, les éléments non pollués sont laissés sur place.

Environ 150 intervenants sont recrutés localement pour effectuer le nettoyage en employant une large gamme de techniques dont :

  • le ramassage manuel quelquefois à l'aide d'outils légers (fourches, écopes, râteaux...) ;
  • le brassage immergé ;
  • le raclage et grattage des blocs, promontoires, tombants... ;
  • le nettoyage haute pression à l'eau de mer ;
  • l'emploi d’hélicoptères afin de déposer le matériel et d’évacuer les déchets collectés...

 Il est à noter que durant les reconnaissances sur le littoral, aucun impact significatif sur la faune ou la flore n'a été constaté.

Au 10 juin 2019, le bilan des déchets collectés se monte à 570 m3 comprenant environ :

  • 100 m3 de fioul émulsionné ;
  • 170 m3 de fioul avec des débris de posidonies pollués ;
  • 200 m3 de débris végétaux pollués ;
  • 50 m3 de macro-déchets pollués ;
  • 50 m3 de sables pollués.

Les opérations de lutte sur le littoral se caractérisent par la mobilisation d'un nombre important d'intervenants et de moyens (près de 18 800 jours-homme, pour 875 jours-chantier) mais aussi d'efforts conséquents en termes de précautions environnementales, d’une part, et de réponse aux attentes fortes liées aux enjeux paysagers, économiques et touristiques, d’autre part.

 

L'action du Cedre

Dès le 17 octobre, suite à la sollicitation de la préfecture du Var, des agents du Cedre interviennent sur le terrain, pour des missions de reconnaissance des sites touchés. Outre les plages, de nombreuses côtes rocheuses aux accès parfois très difficiles sont également impactées par la pollution. Le Cedre adresse alors des préconisations techniques aux intervenants quant aux techniques de nettoyage. Celles-ci englobent les mesures de sécurité du personnel, les procédures de collecte et de nettoyage, la gestion des déchets et la remise en état des sites. Le Cedre participe aux réunions et points de situation en préfecture ou au PCO de Ramatuelle. Il se voit par ailleurs attribuer par le préfet du Var la mission de suivi des chantiers de dépollution jusqu'à la fin des opérations de lutte à terre, initialement prévue pour la fin du 1er trimestre 2019 et repoussée jusqu'au début de l'été 2019.

 

L'enquête et les indemnisations

Mi-juillet 2019, le Bureau d'Enquêtes sur les évènements de mer rend son rapport. L’enquête a été réalisée conjointement avec les bureaux d’enquête de : Chypre, Italie et Tunisie. Selon le rapport :

  •  la collision entre les deux navires est la "conséquence d'un défaut de veille majeur sur l'Ulysse, combiné à une position de mouillage légale mais peu judicieuse et sans surveillance attentive du trafic environnant par le CSL Virginia" ;
  • "l'élément humain est le facteur prépondérant à l'origine de l'accident, avec un manque d'appréciation des responsabilités liées à la fonction de chef de quart. Un phénomène de lassitude, liée à la durée des embarquements, a certainement joué un rôle sur l'implication des officiers de quart des deux navires" ;
  • "l'usage personnel du téléphone mobile a primé, à bord des deux navires, sur l'exercice de la fonction de chef de quart, entraînant un défaut de suivi de la situation de surface".

Fin novembre 2018, les deux assureurs (P&I Clubs) des navires décident de créer un bureau (Claims Submission Office) afin de traiter les dossiers de réclamations relatifs à cet évènement. Ce bureau ouvert à Toulon centralise les demandes d'indemnisation des collectivités, des professionnels et des particuliers. Début janvier 2019, les assureurs estiment à 13,5 millions d’euros maximum le montant total des dommages subis par les navires, sans compter le nettoyage des côtes évalué provisoirement à 10 millions d’euros environ. Neuf mois après la collision, les premières indemnités sont versées. En octobre 2019, un an après l'accident, certains dossiers sont toujours à l'étude, les communes et collectivités varoises pourraient recevoir entre 1 et 1,5 million d'euros.

Dernière modification le 25/10/2019

Voir aussi

Bulletin d'information du Cedre n° 39 de mai 2019 : "Collision Ulysse / CSL Virginia"

Lettre Technique Mer et Littoral, n° 48 du second semestre 2018

Liens externes

Le rapport d'enquête du Bea mer sur l'abordage du CSL Virginia par l'Ulysse le 7 octobre 2018, au large du cap Corse

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