Le chargement d'un chimiquier
Les chimiquiers font partie, comme les pétroliers, de la grande famille des navires-citernes : ils transportent dans des cuves des produits chimiques en vrac. Mais, alors qu'un pétrolier va souvent charger l'ensemble de ses cuves avec un même produit, à un unique terminal, un chimiquier transporte généralement plusieurs produits, souvent chargés dans des ports différents. Ainsi le Ievoli Sun portait au moment de son naufrage trois produits différents, chargés dans deux terminaux de deux pays.
Voir le dossier "Produits" du Ievoli Sun (qui a fait naufrage le 31/10/2000) dans la rubrique "accidents" de ce site.
La diversité des produits transportés simultanément peut être très large : les chimiquiers équipés de plus de 30 cuves ne sont pas rares.
La présence fréquente de produits dangereux dans les cargaisons, le voisinage de cuves contenant des produits susceptibles de réagir entre eux, font que ces navires sont très surveillés et restent longtemps entre les mêmes mains, en général des armements spécialisés. Ils sont, de ce fait, réputés pour avoir un taux d'accidents très faible.
Pour en savoir plus sur ces navires et leur exploitation, nous vous recommandons le très intéressant article « Chimiquiers, une grande variété de navires » de Jean-François Durand, paru dans le numéro 10 (janvier 2002) de la revue « Navires et marine marchande » (pp. 32-45). Nous avons pris la liberté d'en tirer l'extrait ci-dessous :
« Les principaux armements :
Le transport des produits chimiques est (.) une spécialité norvégienne puisque parmi les trois grands on trouve (les) armements (norvégiens Stolt-Nielsen, Odjfell Tankers et) Jo Tankers. »
Il ne faut pas confondre les chimiquiers avec les cargos utilisés pour le transport de produits chimiques en vrac poudreux ou en citernes, fûts et colis divers. C'est chez ces cargos que se comptent les accidents les plus dramatiques de navires transportant des produits chimiques : en Europe l'incendie et l'explosion de l'Ocean Liberty chargé de nitrate d'ammonium, en rade de Brest, l'échouement et l'incendie du Cason, chargé de multiples produits chimiques, au cap Finisterre espagnol.
Voir le dossier sur le naufrage du Cason (5/12/1987) dans la rubrique accidents de ce site.
Le Bow Eagle est équipé de 28 cuves, dont les capacités unitaires varient en chiffres ronds entre 200 et 2000 m³. Selon le plan de chargement qui nous a été communiqué, il transportait 9 produits différents au moment de l'accident, pour un total de 23 645 tonnes.
Le plan de chargement montre, en particulier, des voisinages directs entre des cuves contenant du toluène et du benzène, du benzène et de l'éthanol, du toluène et de l'éthanol. Cela ne présente aucun caractère anormal en regard des pratiques en vigueur. Les cuves sont conçues pour éviter tout risque de communication de l'une à l'autre et sont équipées chacune de pompes et de conduites d'allègement indépendantes. Mais en cas d'abordage ou d'échouement, des déchirures touchant des cuves voisines peuvent conduire à des mélanges potentiellement très dangereux pour l'homme, l'environnement marin, ou les deux.
Dans une situation où deux cuves voisines au moins portaient des déchirures dont l'étendue exacte n'était pas encore connue, où des entrées d'eau de mer dans l'une et l'autre créaient des contacts à risques, il aurait été peu prudent de faire entrer le navire dans un port français non équipé en conséquence.