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Les impacts

État des lieux

Deux missions aériennes (11 mars et 28 mars) permettent de dresser des cartographies détaillées des zones polluées. Les sédimentologues embarqués à bord des avions de reconnaissance confirment que la pollution est très importante, y compris dans les très nombreux îles et îlots qui bordent les Côtes d'Armor.

Ils complètent leurs études par des travaux sur le terrain. 131 stations sont établies entre Guissény et Saint-Brieuc pour déterminer l'impact de la pollution. Des échantillonnages sont prélevés et analysés sur 15 d'entre elles. Lors de leurs prélèvements, les sédimentologues constatent que les effets de cette nouvelle marée noire s'additionnent à ceux non résorbés de l'Amoco Cadiz.

Les scientifiques retracent le scénario de la distribution de la pollution. Ils déterminent le rôle joué par les éléments naturels. Grâce à un index de vulnérabilité qui tient compte de la géomorphologie et de la sédimentologie propre à chaque zone, ils classent les sites touchés en trois grandes catégories. Sur 160 kilomètres de côtes polluées :

  • 50 kilomètres de côtes ont été fortement polluées : sur l'Ile Grande et les sites de Trégastel et Ploumanac'h, les dépôts sont continus et épais.
  • 35 kilomètres sont moyennement souillés, présentant des plaques nombreuses et discontinues.
  • 75 kilomètres de littoral restent faiblement salis par des plaques généralement éparses avec des films peu épais.

80% des côtes touchées sont de nature rocheuse. A la mi-avril, la quasi totalité du pétrole déversé est arrivée à la côte.

Suivi sédimentologique

A terre, les études de pollution des sédiments intertidaux dureront 16 mois. Elles mesurent les effets du déversement, directement liés à la nature du fioul. Les hydrocarbures du Tanio se biodégradent lentement dans les sédiments (par rapport à un hydrocarbure léger). Le long du littoral l'interstratification des niveaux pollués est fréquente. La profondeur peut atteindre jusqu'à 30 centimètres comme sur l'Ile de Renote. Ces niveaux sont discontinus et associés à des algues souillées sur de nombreuses plages de sable fin. C'est le cas sur les plages entre Brignogan et Roscoff.

L'imprégnation dans les sédiments fins est peu importante du fait de la viscosité du produit. Par contre sur les plages de sables grossier la percolation peut atteindre 40 centimètres. Les plages et les sillons de galets très nombreux dans la zone la plus touchée ont été très imprégnés par le pétrole qui a ensuite durci en formant des croûtes.

Suivi de la pollution dans l'eau

Le pétrole de la cargaison du Tanio est d'abord caractérisé par l'équipe du Centre Océanologique de Bretagne (CNEXO/COB). Les analyses chimiques sont réalisées à partir d'un échantillon prélevé dans la partie du pétrolier remorquée à Le Havre. Ces résultats servent de référence pour suivre l'évolution et le processus de dégradation du pétrole. Les scientifiques de l'IFP participent également à cette opération. Ils réalisent des analyses fines d'hydrocarbures contenus dans le brut du Tanio.

Les analyses toxicologiques sont effectuées par les laboratoires de la faculté de Médecine de Brest. L'objectif est de déterminer un effet éventuel du pétrole sur les baigneurs mais ces études sont très restreintes et les résultats obtenus assez peu représentatifs.

Outre la possibilité de suivre l'évolution des hydrocarbures retenus dans les sédiments et d'apprécier dans le temps l'extension de la pollution, ces analyses de référence permettent de mesurer le degré de contamination de l'eau de mer dans plusieurs sites.
Les données de quatre campagnes des navires du CNEXO (de mars à juin) confirment que la pollution est importante au large de la zone Morlaix-Lannion, dans la région des Sept-Iles et au large de Le Trieux.

Une méthode fine de dosage mise au point par le CNEXO/COB facilite la réalisation de la cartographie de la pollution en Manche ouest, dans la zone côtière des Abers, des baies de Morlaix et de Lannion et dans le secteur compris entre les Sept-Iles et Le Trieux. Cette technique très opérationnelle peut se réaliser à bord des bateaux. Elle permet de dire dans l'instant si une zone est polluée ou non.

Les fonds marins sont aussi explorés pour vérifier qu'il n'y a pas de contamination. Du 25 au 30 mars, le navire Thalia du CNEXO effectue sa première campagne de mesure. Des prélèvements sont réalisés à différentes profondeurs sur une colonne d'eau. De son coté, la campagne du Pluteus, navire de la Station Biologique de Roscoff (du 24 au 26 mars) assure qu'il n'y a pas d'atteinte sur les sédiments marins profonds entre Triagoz et les Sept-Iles.

Aperçus d’impacts sur quelques populations

Des études d’impact ont également été réalisées sur :

  • les algues : les grandes algues ont été huilées plus ou moins sérieusement selon leur localisation. La pollution n’a pas perturbé leur activité de photosynthèse. Ce sont plutôt les opérations de nettoyage qui ont eu des conséquences. Les algues de haut et moyen niveau ont été peu affectées. Même si les Ascophyllum ont été touchées dans certains secteurs, les pertes globales sont restreintes. Les laminaires qui constituent l’ensemble de la biomasse algale sont elles aussi peu touchées.
  • le plancton : l’impact global est faible car le cycle planctonique est rapide.
  • des coques, spisules et palourdes agonisantes ont été observées sur l’Ile Grande.
  • les crustacés : les larves de homard vivant en surface de mer sont touchées, mais dans l’ensemble, rares ont été les crustacés qui sont morts par engluement ou asphixie. A Trégastel, de jeunes tacauds sont trouvés morts, leur tube digestif gorgé de mazout. Cette faune vivant sur les rochers dépourvus d’algues, subit des pertes s’élevant à 80% à Trégastel et Ploumanac’h (mi avril). Les bigorneaux (littorines, gibbules et pourpres) vivants dans les rochers sont touchés.
  • les puces de mer : les puces de mer qui mangent et font disparaître les algues échouées ont survécu.
  • le zooplancton : des études sur un copépode représentatif montrent que certaines zones sont polluées.

Suivi écologique

Le CNEXO, l’ISTPM, l’IEM UBO, la faculté de Médecine de Brest, la station biologique de Roscoff sont impliqués dans les études de suivi demandées par le Ministère de l’Environnement.

L'impact de la pollution du Tanio sur le milieu est très variable selon le degré de pollution de la zone, selon le lieu de vie (dans les sédiments, sur les plages, dans les rochers ou dans les algues), selon qu'il y a eu ou non intervention humaine (emploi de détergents, opérations mécaniques.).
Des apports même faibles en fioul sur les plages modifient le peuplement des animaux surtout celui des espèces se nourrissant du goémon. A une plus petite échelle, on constate que les bactéries dégradent moins bien le fioul au fur et à mesure que le pétrole s'accumule.

L'Institut d’Études Marines de l'UBO est chargé d'estimer les pertes globales en biomasse marine littorale. Il assure le suivi de la faune, évalue la mortalité et le processus de recolonisation sur les plages de Plougrescant et de la Grève Blanche (sur la commune de Trégastel). Avant l'arrivée du pétrole des prélèvements avaient été effectués. Ils servent de référence. Les chercheurs comptent et mesurent à différentes profondeurs le peuplement de localités (20 environ). Les études menées sur la survie des mollusques herbivores donnent une idée de l'impact de la pollution sur l'ensemble des population fixes de l'estran.
Les premières estimations concernant la mortalité des oiseaux sont catastrophiques. Sur les Sept-Iles, les oiseaux ont disparu. Le conservateur de la réserve estime que les alcidés (petits pingouins et guillemots) sont les plus touchés Les macareux doivent arriver et il juge qu'il est déjà trop tard pour envisager leur sauvegarde. Les 4 000 couples de fous de bassan de la colonie des Sept-Iles sont mazoutés à plus de 80%. Leurs œufs maculés d'hydrocarbures n'ont plus de chance d'éclore.

Le fioul du Tanio a tué près de 40 000 oiseaux malgré l'intervention des bénévoles de la Société de Protection de la Nature en Bretagne (SEPNB), soit deux fois plus que lors de l'accident de l'Amoco Cadiz.
L’ampleur de cette mortalité s’explique par le fait que les oiseaux évoluent dans le secteur en surface de mer (la zone de pollution est estimée à 1 000 km2).
De plus, la faible odeur du pétrole du Tanio n’éloigne pas les oiseaux.

L’industrie de la mer sous surveillance

La zone la plus touchée qui correspond à 45 kilomètres de côtes de Trégastel à Ploumanac'h concerne une succession de promontoires de granit rose. La variété des paysages et la richesse écologique de cette région ont favorisé de nombreuses activités économiques orientées vers la mer. Le tourisme, la pêche côtière, l'ostréiculture, l'aquaculture s'y sont fortement développées. Dans cette région, la pollution a entraîné d'importantes répercutions économiques.
 
L’Institut Scientifique et Technique des Pêches Maritimes surveille les espèces exploitées comme par exemple les algues. De Perros-Guirec à l’Ile Grande, les algues littorales sont contaminées. On surveille aussi avec attention les parcs à huîtres et les bouchots à moules. En revanche, les prélèvement réalisés à bord du navire Pelagia sur les coquilles Saint-Jacques et les poissons plats ne révèlent pas d’anomalie (études réalisées fin avril).

Dernière modification le 18/07/2003
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