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Tricolor/Kariba

Nom
Tricolor/Kariba
Date de l'accident
14/12/2002
Lieu
Manche
Zone du naufrage
Au large de Dunkerque
Zone du déversement
Pleine mer
Cause de l'accident
Collision
Quantité transportée
1 990 tonnes
Nature polluant
Fioul lourd (IFO 380)
Quantité déversée
Plusieurs m³
Type de navire / structure
Roulier
Date de construction
1987
Pavillon
Norvégien

Le naufrage

Le Tricolor, roulier, transporteur de voitures, construit au Japon en 1987 et immatriculé à Tronsberg (Norvège), a été abordé et a coulé en quelques minutes par 30 m de fond, le samedi 14 décembre 2002, vers 2h30 du matin dans le Pas de Calais à 20 milles au nord ouest de Dunkerque. Il était chargé de 2 862 voitures et de 77 conteneurs. L’épave s'est couchée sur le fond et inclinée.

L’équipage, composé d’un commandant norvégien, d’un Suédois et de 22 marins philippins, a pu être sauvé. Le navire abordeur était le porte-conteneurs Kariba. Il a pu faire route vers Anvers par ses propres moyens après la collision bien que son étrave soit complétement détruite.

Le Tricolor transportait 1 990 tonnes de fioul lourd (IFO 380), produit de viscosité moyenne (380 cSt à 50°C), répartis en 8 ballasts, 200 m³ de gazole et 25 tonnes d’huile de lubrification. Il constituait donc à la fois un risque pour la navigation et une source potentielle de pollution. La préfecture maritime de la Manche-Mer du Nord a aussitôt pris les mesures nécessaires et fait appel à l’expertise du Cedre.
Activé le jour même, le PC du Cedre a envoyé un intervenant à Cherbourg.

L'analyse du cas a porté sur l'évaluation du risque de pollution (produits en cause, volumes et répartition dans le navire, comportement en cas de déversement, etc.), sur le balisage et la sécurité de la navigation autour de l'épave, et sur les moyens de lutte contre la pollution. Le Cedre a reçu des échantillons du fioul pour examiner sa signature et évaluer sa dispersibilité.

 

Le balisage et les collisions

Un balisage et une surveillance de la zone de navigation autour de l’épave ont été mis en place. Le patrouilleur de la gendarmerie maritime Géranium a assuré la sécurité de la navigation sur le lieu du naufrage. Une bouée lumineuse de signalement de l’épave (10 m de haut par 2,65 m de large, pour 10 tonnes) a été mouillée par les Phares et Balises le samedi 14 décembre à 150 m de l’épave.

En complément et à la demande de la préfecture maritime de Cherbourg, la société de sauvetage Smit Salvage, contacté par l'assureur du navire, a fait appareiller deux autres barges afin de renforcer son dispositif d’intervention et de mieux sécuriser la zone du naufrage.

Malgré ce dispositif de prévention et la diffusion de nombreux messages radios, le Nicola, un caboteur néerlandais a percuté l’épave émergeant de quelques centimètres le 16 décembre vers minuit. Il a réussi à se déséchouer avec l’aide de 2 remorqueurs belges le 17 à 8h.

Après cet incident, deux patrouilleurs français et anglais ont été mis sur zone pour signaler la présence de l’épave et balisage autour du Tricolor a été totalement revu. Quatre bouées cardinales (une Est, une Ouest et deux Sud) lumineuses situées à 600 m de l’épave dont une avec Racon (balise émettant un écho radar spécifique et très visible sur tous les écrans) ont été mises en place le 20 décembre. Une seconde bouée lumineuse a été installée le lundi 26 décembre à 150 m du Tricolor et des survols de l’épave ont été effectués quotidiennement par des moyens français, belges ou britanniques pour surveiller une éventuelle pollution.
Une cinquième bouée fixe lumineuse (cardinale Nord) a été mise en place le 26 décembre 2002.

Malgré cela, le 1er janvier 2003 à 19h20, le Vicky, un pétrolier turc transportant 66 000 tonnes de kérosène, en provenance d'Anvers (Belgique) et à destination de New-York (États-Unis), s’est échoué sur l’épave du Tricolor. Il a pu se déséchouer par ses propres moyens à 23h.
Un survol de l’épave du Tricolor le lendemain, par hélicoptère de la Marine nationale, a permis d’observer un enfoncement de la partie tribord.

La surveillance étroite de l'épave a permis de constater que des navires de passage ignorent les multiples avertissements concernant celle-ci. L'intervention du patrouilleur de la marine royale belge Lobelia auprès du navire malaisien Bunga Saga, faisant route droit sur le Tricolor le 7 août 2003, était la 57ème intervention de ce genre depuis le naufrage.

L’allégement de l’épave

La société Smit Salvage, mobilisée par l’armateur, a dépêché sur zone la barge Deurloo équipée de moyens d’intervention (grue de 30 tonnes, cuve de 30 m³, 600 m de barrage de type Ro-boom 1100 et 3 pompes hydrauliques) pour vider rapidement les réservoirs de carburant du Tricolor, afin d’écarter les risques de pollution.

Les opérations de pompage ont commencé le 21 décembre 2002 et se sont terminées le 17 février 2003. Le risque de pollution à partir de l’épave était alors devenu mineur mais le risque de pollution par un navire abordeur demeurait jusqu'à l’enlèvement de l’épave. Sur les 2200 m³ de fioul que contenait le Tricolor, 1700 ont pu être récupérés.

 

Dispositif de découpage et de relevage

Un appel d’offres pour le relevage de l’épave a été lancé par l'armateur le 17 janvier 2003. Trois sociétés ont postulé. C’est en définitive au consortium d’entreprises " Combinatie Berging Tricolor ", mené par la société Smit Salvage B.V. qu’a été confiée l’opération de démantèlement de l’épave. Le contrat a été signé le 11 avril.

L’opération consistait dans le découpage de l’épave en9 tronçons d'environ3 000 tonnes chacun à l'aide d'un câble tranchant de 6 cm de diamètre. Chacune des sections est hissée par une grue flottante et déposée dans une barge qui permet d’acheminer les morceaux de coque et les véhicules contenus dans l’épave vers le port de Zeebrugge. Au moins 141 jours de travail sont prévus, avec des mesures de sécurité en matière de circulation au voisinage du chantier et la présence sur zone d'un navire antipollution pendant les opérations de découpe (il reste environ 140 m³ d'hydrocarbures dans des zones inaccessibles du navire).

La phase de préparation des opérations de découpage a débuté le 22 avril. Fin juin, les travaux effectués avaient permis d’expertiser la coque et d’effectuer une cartographie sous-marine de la zone autour de l’épave. Des bollards (points de saisine) ont été fixés pour permettre la remontée des tronçons à l’aide de grues.

Les travaux de découpage ont commencé le 22 juillet 2003, retardés par une météo défavorable. Les opérations d’enlèvement des derniers éléments de double-fond de la coque du navire ont été achevées le 19 juillet 2004, laissant place à la récupération de la rampe tribord, puis au « grappinage » des débris sur le fond. Les opérations d'extraction de pièces à l'aide de grappins géants et l'enlèvement des grands tronçons ont duré plusieurs mois.

Le nettoyage fin a ensuite pu commencer (pour remonter les voitures et engins de travaux publics gisant sur le fond).

Pollution

Selon les textes en vigueur, la lutte contre une éventuelle pollution était :

  • à la charge de l'armateur, donc par délégation de son prestataire de services, SMIT Salvage pour tout ce qui concernait les travaux et les risques associés ;
  • à la charge des états (d'abord France, puis le Royaume-Uni dans le cadre de la coopération Manche Plan, éventuellement la Belgique) pour tous les autres risques, notamment en cas d'abordage de l'épave par un navire tiers.

Le 15 janvier 2003, une pollution par hydrocarbure a été détectée sur les plages entre Ambleteuse et Hardelot (Pas-de-Calais). Le lendemain, le littoral de Wissant (Pas-de-Calais) était touché.

Cette pollution s’explique par le fait que, durant les travaux de pompage, la tape d’une des soutes, d’une contenance de 170 m³, a été arrachée par un des remorqueurs affrétés par l’armateur. Plusieurs m³ du fioul de propulsion du Tricolor se sont répandus en mer.

Un autre incident est survenu vers le 23 janvier, lors des opérations de pompage de l'épave. A la suite d'une erreur de manœuvre due aux mauvaises conditions météorologiques sur zone, la barge de la société chargée du pompage a endommagé deux vannes d'une cuve, libérant plusieurs dizaines de mètres cubes de fioul lourd. Des navires antipollution ont aussitôt été mis à la disposition de la France et de la Belgique par l'armateur. Ils se sont ajoutés aux moyens mis en place en coopération par les deux pays, sous le contrôle, pour la partie française, de la préfecture maritime de la Manche-Mer du Nord. Les fuites ayant été colmatées, une partie de la pollution a pu être récupérée en mer.

A l'exception d'irisations résiduelles autour de l'épave, les aéronefs n'ont plus observé ensuite de pollution devant les côtes françaises. En revanche quelques nappes fractionnées dérivant au nord-est ont été signalées devant la Belgique.

Le 2 février l’avion Polmar des douanes a observé des galettes à proximité de la côte, au sud de Boulogne et au large, entre Calais et Dunkerque. Elle se sont échouées sur le littoral entre Bray-Dunes et la frontière belge à partir du 4 février. La pollution était difficile à évaluer en raison du comportement de l’hydrocarbure qui se trouvait souvent entre deux eaux.

Le lundi 8 septembre 2003, une pollution par hydrocarbures en mer a été observée en zone belge, à environ 55 km au nord de Dunkerque, par un avion belge et l’avion Polmar des douanes françaises. Des moyens nautiques belges et néerlandais ont été dépêchés sur zone pour traiter cette pollution. Une fuite provenant des soutes de l’épave serait intervenue lors du découpage entre la tranche n°3 et la tranche n°4. Suite à une demande de la préfecture maritime de la Manche et de la Mer du Nord du 09/09/03, un expert du Cedre a été mis à la disposition des autorités locales et des communes en charge des opérations de lutte à terre.

Les impacts

Sans qu'il y ait eu déclenchement des plans Polmar-Terre, les communes littorales se sont fortement mobilisées, en lien étroit avec les préfectures et sous-préfectures. Des opérations de nettoyage à terre ont eu lieu en janvier dans le Boulonnais, fin janvier et en février dans le Calaisis et le Dunkerquois, utilisant les préconisations du Cedre en matière de nettoyage et de protection par filets. Quelques centaines de tonnes de matériaux pollués ont été collectées. Elles sont en cours de traitement en centre d'incinération pour déchets spéciaux.

La Ligue pour la Protection des Oiseaux a décompté, 5 500 oiseaux ramassés (morts et vivants) pour la France, avec une très forte proportion de guillemots de Troïl, 16 000 oiseaux souillés (morts et vivants) pour la Belgique et la Hollande ce qui fait un total de 21 500 oiseaux.

Dernière modification le 31/08/2004

Voir aussi

Bulletin d'information du Cedre N°21 : "Le traitement des épaves potentiellement polluantes"

Bulletin d'information du Cedre N°20 : "Le traitement de l'épave du Tricolor"

Lettre technique du Cedre, Mer et Littoral, Année 2004, n°6

Lettre technique du Cedre, Mer et Littoral, Année 2003, n° 4

Lettre technique du Cedre, Mer et Littoral, Année 2003, n°3

Liens externes

Site de la Préfecture Maritime de la Manche et la mer du Nord, Point de situation sur l’épave du " Tricolor " de la préfecture maritime.

Tricolor Salvage - SMIT, Site de la société SMIT chargée du traitement et de l'enlèvement de l'épave du Tricolor.

Wallenius Whilelmsen Lines, Site de l’Armateur.

LPO, Fiche accident et bilan des oiseaux.

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